CHEZ LE DIABÉTIQUE hypertendu, les objectifs tensionnels actuellement préconisés par les recommandations sont de 130/80 mmHg, mais, à la lumière des données issues des grandes études récentes, ils seront probablement rediscutés pour les prochaines recommandations.
« Les objectifs spécifiques chez le diabétique ont été fixés sur la base de quelques études », rappelle le Pr Xavier Girerd (Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris). Après les résultats de l’étude HOT en 1998, qui a montré l’intérêt, en termes de risque de décès cardiovasculaire, d’une baisse de la pression artérielle diastolique (PAD) en dessous de 80 mmHg comparativement à 90 mmHg, l’ANAES avait recommandé un objectif de 140/80 mmHg. Puis, la démonstration des bénéfices d’une stratégie intensive dans l’étude STENO 2 a conduit la Haute Autorité de santé (HAS) à proposer en 2005 un objectif de 130/80 mmHg. Mais aujourd’hui, la question de la pertinence de ces objectifs se pose, en particulier sur la base des résultats de l’essai ACCORD, qui n’a pas montré de bénéfices sur la prévention globale des complications cardiovasculaires d’un objectif de 120 mmHg contre 140 mmHg. Avec même une survenue plus fréquente d’effets indésirables chez les patients ayant une pression artérielle systolique (PAS) inférieure à 140 mmHg. Ainsi, pour le Pr Girerd, les preuves manquent pour préconiser un objectif de 130/80 mmHg chez l’hypertendu diabétique et de ce fait, les recommandations basées sur l’evidence-based medicine, devraient changer. Ceci ne doit toutefois pas faire oublier que faire baisser la PAS en dessous de 140 mmHg est bénéfique.
Les leçons de DESIR.
La cohorte DESIR (Données épidémiologiques sur le syndrome d’insulino-résistance) a permis un suivi prospectif d’un échantillon de la population française (2 676 hommes et 2 636 femmes), chez lesquels ont été collectées des données génétiques, environnementales, cliniques et biologiques. « Nous disposons donc d’une base de données très riche et fertile, puisqu’à la fin de 2010, elle a donné lieu à 135 publications », souligne le Pr Michel Marre (hôpital Bichat, Paris). L’incidence cumulée (9 ans) de l’HTA est de 43,1 % chez les hommes et de 30 % chez les femmes. Plus de 60 publications concernent la génétique, avec différents gènes candidats comme celui du PPAR gamma. « Mais la génétique reste peu contributive pour évaluer le risque de diabète », précise le Pr Marre. L’HbA1c pourrait être un bon facteur prédictif, mais les variantes génétiques peuvent modifier l’interprétation des résultats pour les valeurs comprises entre 5,5 % et 6 %.
Une autre donnée intéressante porte sur la microalbuminurie : chez les hommes, plus le tour de taille augmente, plus le risque de développer une microalbuminurie est élevé. En outre, dès que le taux d’albumine dans les urines dépasse 9 mg/L, le sujet présente un risque de développer un diabète.
La microlbuminurie.
La présence d’une microalbuminurie est associée à quasiment tous les facteurs de risque cardiovasculaire, qu’il s’agisse de la pression artérielle, du HDL bas, du LDL élevé, des triglycérides élevés, des troubles de la glycémie et du diabète, de l’HVG, de l’obésité ou de la dysfonction endothéliale, explique le Pr Jean-Michel Halimi (CHRU, Tours). En termes de risque rénal, l’étude PREVEND, par exemple, a montré que le risque d’une baisse de la filtration glomérulaire (clairance de la créatinine < 60 mL/min) dépend, et ce de façon continue, de la microalbuminurie. Chez les sujets transplantés, le risque relatif de perte du greffon (donc d’insuffisance rénale chronique terminale) est plus élevé en cas de microalbuminurie. Ainsi, comparée à la normoalbuminurie, la microalbuminurie est un facteur de risque de dialyse rénale dans cette population. Elle est également un marqueur de risque de diabète, chez l’homme plus que chez la femme, comme cela a été montré dans la population générale grâce à l’analyse de la cohorte DESIR. Après transplantation rénale, l’incidence du diabète est multipliée par un facteur 4 comparativement aux sujets de la cohorte DESIR et dépend du taux de microalbuminurie. La pression pulsée, elle aussi, est un facteur de risque dans la même population, avec des suivis très longs, allant jusqu’à 20 ans. Ceci a conduit à émettre l’hypothèse qu’elle serait un indicateur d’anomalies de la microcirculation, qui toucheraient non seulement le rein, mais aussi le pancréas.
En l’absence de marqueur de la microcirculation pancréatique, les analyses se sont fondées sur les mesures d’index de résistance intrarénal chez plus de 660 transplantés. Après ajustement sur l’âge et l’indice de masse corporelle (IMC), qui sont les deux déterminants majeurs de la survenue d’un diabète, la pression pulsée reste un paramètre associé à l’index de résistance, alors que la pression systolique ne l’est pas. Et l’index de résistance à trois mois est un marqueur de risque de survenue d’un diabète relativement puissant. Enfin, la pression pulsée est un prédicteur de diabète, mais plus après ajustement sur l’index de résistance.
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