Autant lever l’ambiguïté tout de suite, il s’agit de transmissibilité et pas de contagiosité. Il n’en reste pas moins, l’étude britannique publiée dans « Nature » sur la transmission interhumaine de la maladie d’Alzheimer a de quoi interroger. L’équipe de John Collinge au National Hospital for Neurology and Neurosurgery à Londres apporte, pour la première fois, un élément de preuve sur la transmissibilité de la maladie neurodégénérative, via certaines procédures médicales, ici l’injection d’hormone de croissance d’origine humaine (glande pituitaire cadavérique), interdite depuis 1985.
Dépôts bêta amyloïde
Ces résultats ont surpris les auteurs eux-mêmes, qui travaillent sur le prion. Lors de l’autopsie de 8 jeunes patients décédés de la maladie de Creutzfeld-Jakob (MCJ) acquise de façon iatrogène, les scientifiques londoniens ont observé des dépôts bêta amyloïde chez 6 d’entre eux, dont 4 de façon généralisée. « Cela allait plus loin que de simples dépôts, explique John Collinge. Quatre patients présentaient un certain degré d’atteinte d’angiopathie amyloïde cérébrale. Ils sont décédés exceptionnellement très tôt de leur maladie à prion, sans avoir pu développer des symptômes de démence ».
La présence d’amylose cérébrale est tout à fait surprenante chez ces jeunes sujets âgés de 36 à 51 ans. « La maladie d’Alzheimer survient dans la plupart des cas spontanément mais à un âge bien plus avancé, poursuit le chercheur. Aucun d’entre eux ne présentait de mutation connue pour être associée à une maladie d’Alzheimer précoce, de type APOE 4. » De façon comparable au prion, il existerait une voie de transmission de la protéine bêta amyloïde via une procédure médicale. « En 2012, plus de 200 cas de transmission de la MCJ ont été décrits après injection d’hormone de croissance d’origine cadavérique à travers le monde, précise John Collinge. Principalement la France avec 119 cas et la Grande-Bretagne avec 65. D’autres voies de transmission, comme la greffe d’organe et la neurochirurgie, expliquent l’autre moitié des cas iatrogéniques, qui sont au total au nombre de 450 ».
Pour l’équipe londonienne, l’absence de pathologie liée à la protéine tau, pourtant caractéristique de la maladie d’Alzheimer, peut s’expliquer. La neuropathologie aurait pu s’exprimer de façon complète si les patients avaient vécu plus longtemps. Pour vérifier que les dépôts bêta amyloïde n’étaient pas associés à la physiopathologie propre au prion mais au mode de transmission, les auteurs ont examiné une cohorte de 116 patients d’âge comparable atteints d’une autre maladie à prion. Chez eux, le dépôt bêta amyloïde était inexistant ou négligeable.
L’alarme n’est pas lancée
Une transmission iatrogénique semble donc être possible chez certains sujets sains exposés. « L’alarme n’est pas lancée, tempère John Collinge. D’une part, ce n’est pas encore prouvé, et d’autre part, cela concerne très peu de cas ». L’équipe attire l’attention sur le fait que d’autres modes de transmission iatrogéniques connus dans la MCJ puissent être aussi en cause. « Comme les instruments chirurgicaux, les greffes d’organes », précise-t-il. Les protéines bêta amyloïde résistent à certains procédés de stérilisation. Pour la transfusion de sang, « un scientifique ne peut pas l’exclure complètement, mais cela semble très peu vraisemblable. Il existe des études sur le risque de transmission de la maladie d’Alzheimer par le sang, aucun signal n’est apparu. Il faut s’en assurer et des équipes y travaillent aux États-Unis ».
Pour John Collinge, ces résultats ouvrent des perspectives de recherche sur la maladie d’Alzheimer et les autres maladies neurodégénératives. « Pour la MCJ, la stratégie de cibler le substrat normal de la protéine pathologique, et non directement cette dernière, est très prometteuse, explique-t-il. Pour l’instant, les anticorps monoclonaux ciblant les protéines pathologiques sont décevants dans l’Alzheimer. Il se pourrait que par analogie, le fait de cibler une protéine normale précurseur pourrait bloquer le processus dans la maladie d’Alzheimer mais aussi dans le Parkinson ».
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