La maladie de Crohn (MC) est associée à un microbiote intestinal altéré et à des gènes de susceptibilité souvent liés à l'autophagie, dont NOD2 et ATG16L1.
NOD2 recrute ATG16L1 pour éliminer par autophagie les pathogènes intracellulaires. De précédentes études ont démontré chez la souris que Bacteroides fragilis une bactérie commensale de l'intestin, délivre - via la sécrétion de vésicules de membrane externe (OMV) - des polysaccharides A (PSA) immunomodulateurs induisant la production d'interleukine IL-10 anti-inflammatoire par les cellules T régulatrices, qui protège la souris de la colite. L'étude de Chu et al., parue dans « Science » en 2016 porte sur des variants génétiques prédisposant à la MC. Les chercheurs ont découvert qu'un traitement oral par OMVs de B. fragilis protège d'une colite expérimentale la souris normale, mais pas la souris déficiente en ATG16L1 ou en NOD2.
Les variants à risque de NOD2 ou ATG16L1 réduisent l'autophagie et l'élimination des pathogènes et empêchent l'action anti-inflammatoire de B fragilis, « des composants de l'autophagie dans les cellules immunes (dendritiques) sont nécessaires pour l'activation des cellules T reg par les bactéries commensales », notent les auteurs. Ils ont observé le même phénomène avec les cellules immunes de patients sains et de patients atteints de MC. « Les cellules immunes des individus portant le variant protecteur d'ATG16L1 répondent au traitement, mais celles des patients portant le variant à risque majeur d'ATG16L1 ne montrent pas de réponse anti-inflammatoire aux OMVs du B. fragilis », précise la chercheuse Hiutung Chu. Toutefois, ces mêmes cellules immunes répondent aux molécules PSA purifiées. « L'étude identifie un mécanisme complètement nouveau à travers lequel ces gènes pourraient majorer le risque de développer la maladie de Crohn », explique le Dr McGovern (Los Angeles), co-auteur de l'étude. Ceci pourrait permettre d'identifier les meilleurs candidats aux probiotiques dans de futurs essais cliniques. « Nos précédents travaux suggèrent que B. fragilis pourrait offrir un traitement probiotique pour certaines maladies. L'étude actuelle suggère que certains groupes pourraient ne pas bénéficier de ce probiotique en raison de leur prédisposition génétique », note le Pr Sarkis Mazmanian autre co-auteur. Ces patients pourraient peut-être, en revanche, bénéficier du prébiotique PSA lorsqu'il sera développé.
Une souche de probiotique capable de s'implanter chez certains
Les souches probiotiques sont en règle choisies pour leur facilité de production industrielle, non pour leur aptitude à vivre dans l'intestin humain. « Elles ne s'implantent pas car les bactéries déjà présentes sont bien mieux adaptées », explique le Pr Jens Walter chercheur, Universités d'Alberta (Canada) et du Nebraska (USA). La persistance et l'impact sur le microbiome résidant, d'une souche (AH1206) de Bifidobacterium longum (une des 50 principales espèces du microbiote intestinal humain), ont été évalués dans un essai croisé en double insu versus placébo sur 22 sujets sains. La moitié des sujets prenait le probiotique B longum AH1206 pendant 15 jours et l'autre le placebo, puis après 1 à 2 mois sans traitement, les groupes changeaient. Le microbiome intestinal était étudié par analyse des selles. Chez 30 % des individus, appelés « persisteurs », B. longum AH1206 persiste jusqu'à 6 mois après l'arrêt du probiotique sans effet gastro-intestinal indésirable et sans modifier la composition du microbiome résident. Le microbiome initial des « persisteurs » a une faible abondance du B. longum et une faible représentation de certains gènes du B. longum impliqués dans le métabolisme des glucides. La colonisation de cette souche dépend de la limitation phylogénétique et de la disponibilité des ressources. Cela pourrait renforcer l'intérêt des symbiotiques (probiotique + prébiotique) qui apportent l'aliment permettant au probiotique de persister. « La compétition dans les écosystèmes est particulièrement rude entre les espèces les plus proches : elles ont les mêmes besoins en ressources. Puisque nous pouvons distinguer les persisteurs des non persisteurs, nous pourrions potentiellement personnaliser les traitements probiotiques », note le Pr Walter. Il lui faut maintenant comprendre pourquoi la souche AH1206 s'implante (et non d'autres souches de B. longum), évaluer si d'autres bactéries intestinales peuvent persister et étudier si des maladies associées à des altérations du microbiome peuvent être traitées par des probiotiques spécifiquement conçus.
Chu H. et al., Science, 2016, vol. 352(6289) pp.1116-20
Maldonado-Gomez et al., Cell host microbe, 2016 vol. 20(4), pp 515-526
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