1) Définitions, causes
Cirrhose et insuffisance rénale : définitions et causes habituelles
1.1) Chez un malade cirrhotique sans insuffisance rénale préexistante le diagnostic d’insuffisance rénale aiguë est défini par :
1.1.1) une créatininémie › 133 µmol/L (15 mg/L), ou 1.1.2) une augmentation de la créatininémie de base du patient › 50 %.
1.2) En cas de cirrhose, l’insuffisance rénale aiguë est généralement d’origine fonctionnelle et due :
1.2.1) soit à un événement intercurrent : hypovolémie, hémorragie digestive, infection sévère, administration de diurétiques ou d’AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens),
1.2.2) soit à la sévérité de l’insuffisance hépatique : c’est le syndrome hépatorénal (SHR).
1.3) En cas d’atteinte rénale organique, on distingue deux grands types de lésions :
1.3.1) Il s’agit habituellement d’une nécrose tubulaire. Celle-ci est secondaire :
1.3.1.1) soit à une hypovolémie (hémorragie digestive),
1.3.1.2) soit à l’administration de médicaments néphrotoxiques ;
1.3.2) les atteintes glomérulaires sont plus rares. Il peut s’agir notamment :
1.3.2.1) d’une glomérulonéphrite à IgA (cirrhose alcoolique),
1.3.2.2) d’une glomérulonéphrite membranoproliférative (hépatite C).
2) Démarche
Insuffisance rénale : démarche diagnostique.
2.1) La démarche diagnostique comporte :
- une évaluation clinique,
- des examens sanguins et urinaires,
- une échographie (à la recherche d’un syndrome obstructif).
2.2) Syndrome hépatorénal.
2.2.1) Le SHR est une insuffisance rénale fonctionnelle qui complique une cirrhose à stade avancé compliquée d’ascite.
2.2.2) Le SHR est secondaire à une stimulation des systèmes vasoconstricteurs endogènes déclenchée par une hypovolémie efficace. Il en résulte une vasoconstriction des artérioles rénales source d’hypoperfusion rénale.
2.2.3) Chez le cirrhotique ascitique, le risque de survenue d’un SHR est d’environ :
- 10 % à 20 % à un an,
- 40 % à cinq ans.
2.3) Diagnostic du SHR.
Le diagnostic de SHR ne s’envisage qu’après échec d’une expansion volémique.
2.3.1) Il existe 2 types de SHR.
2.3.1.1) SHR de type I.
2.3.1.1.1) Le SHR de type I est défini par une créatininémie › 230 µmol/L (ou une clairance < 20 ml/min). La détérioration de la fonction rénale est rapide. La survie médiane est de 15 jours.
2.3.1.1.2) SHR de type II.
Il survient au cours de cirrhose à un stade avancé, compliquée d’ascite réfractaire. La détérioration rénale est plus progressive et la survie médiane est de 6 mois.
3) Traitement
Syndrome hépatorénal : quel traitement ?
3.1) Le traitement de référence du SHR est la transplantation hépatique (TH).
3.2) La TH n’est pas toujours possible et les autres options sont le shunt portocave intra-hépatique par voie transjugulaire (TIPS) et le traitement pharmacologique. Ces méthodes peuvent être employées en attendant la TH (bridge).
3.2.1) TIPS.
3.2.1.1) Après pose d’un TIPS, la survie à trois mois est d’environ : 60 % pour le SHR de type I, 90 % pour le SHR de type II.
3.2.1.2) Le TIPS favorise la survenue d’encéphalopathie hépatique. Il n’est pas recommandé pour le SHR de type I. Il est souvent contre-indiqué par le degré de l’insuffisance hépatique.
3.2.2) Traitement pharmacologique.
3.2.2.1) C’est le traitement de première ligne.
3.2.2.2) Le plus employé est l’association de terlipressine (1 mg I. V. x 2 à 4/24 h) et de perfusion d’albumine à 20 %.
4) Prévenir
Comment prévenir la survenue d’une insuffisance rénale aiguë chez un patient cirrhotique ?
Les recommandations destinées à cette prévention sont indiquées dans l’encadré 1.
5) Récidivante et réfractaire
Comment traiter une ascite récidivante ou réfractaire ?
5.1) Ascite récidivante.
5.1.1) Une ascite récidivante se définit comme étant une ascite qui récidive au moins trois fois en douze mois malgré un régime désodé et un traitement diurétique adapté.
5.1.2) En cas de récidive de l’ascite, un traitement d’entretien par une dose minimum de diurétique (antiminéralocorticoïde comme la spironolactone) peut être nécessaire.
5.1.3) Le traitement d’entretien nécessite une surveillance clinique et biologique régulière (créatinine et ionogramme sanguin).
5.2) Ascite réfractaire.
5.2.1) Ce terme recouvre plusieurs situations.
5.2.1.1) Ascite :
- qu’on ne peut éliminer malgré un traitement médical puissant (régime désodé [90 mmol de sodium/j apportés par 2 g de sel] + spironolactone [400 mg/j] + furosémide [160 mg/j]), ou
- ascite qui récidive rapidement (dans les 4 semaines après la mobilisation initiale de l’ascite) malgré le traitement : c’est l’ascite « résistante » aux diurétiques.
5.2.1.2) Apparition de complications secondaires (encadré 2) à l’usage des diurétiques et obligeant à les arrêter : c’est l’ascite « non traitable » par les diurétiques.
5.2.2) Une ascite réfractaire survient chez environ 10 % des personnes atteintes de cirrhose avec ascite.
5.2.3) Les modalités thérapeutiques de l’ascite réfractaire sont indiquées dans l’encadré 3.
5.2.3.1) La transplantation (si elle est possible) est le traitement de choix, car en cas d’ascite réfractaire la survie à 5 ans est de seulement 50 %.
5.2.3.2) Le TIPS expose à plus d’encéphalopathie que le traitement par paracentèse (15 % à 60 % versus 6 % à 34 %) (3).
Réponse
L’assertion 5.2.3.1) comporte une inexactitude. En effet, la transplantation (si elle est possible) est le traitement de choix car en cas d’ascite réfractaire, la survie à 1 an (et non à 5 ans) est de seulement 50 %.
Pour en savoir plus
1) Haute Autorité de Santé. Prise en charge des complications chez les malades atteints de cirrhose. www.has-sante.fr. Toutes nos publications.
2) Guidelines for the management of complications in patients with cirrhosis. M. Bismuth et al. Gastroenterol Clin Biol 2008 ; 32 : 887-897.
3) Ascite réfractaire chez les malades atteints de cirrhose. R. Moreau et al. Gastroenterol Clin Biol 2008 ; 32 :700-728.
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