Comment augmenter le taux de participation au dépistage organisé du cancer colorectal ? « C’est l’un des enjeux importants des années à venir. Et nous allons devoir explorer différentes pistes, en particulier un élargissement du nombre de médecins habilités à délivrer le kit de dépistage », indique le Pr Robert Benamouzig, chef du service de gastroentérologie de l’hôpital Avicenne à Bobigny et membre du conseil technique du dépistage du cancer colorectal.
Laboratoire national et test immunologique
Le dépistage organisé du cancer colorectal a été généralisé à l’ensemble du territoire à partir de 2008. Depuis 2010, ce programme couvre tous les départements français, à l’exception de Mayotte (devenu département français le 31 mars 2011). Il est coordonné au niveau départemental par 89 structures de gestion. « Il y a eu un changement dans l’organisation. Avant, il y avait dans presque chaque département une structure de gestion qui travaillait avec un laboratoire d’analyse le plus souvent local. Désormais, il reste toujours une structure de gestion dans chaque département mais les analyses sont faites par un laboratoire national », indique le Pr Benamouzig.
En 2014, la Direction générale de la santé a entériné le remplacement du test au gaïac (Hémoccult II) par un test immunologique (OC-Sensor), plus facile d’emploi, plus sensible pour la détection des adénomes avancés et des cancers et d’une meilleure fiabilité et reproductibilité. « Si le test immunologique a été officiellement disponible dès le 14 avril 2015, des difficultés d’approvisionnement en kits et/ou d’organisation ont entraîné un retard de démarrage de l’activité. En pratique, l’envoi des premières invitations s’est échelonné entre mai et décembre 2015 : 50 % des départements n’ont pas repris les invitations avant juillet 2015 », précisait en février dernier Santé Publique France.
29% de participation
Entre 2015 et 2016, 5 millions de personnes âgées de 50 à 74 ans ont réalisé un test de dépistage (dont un peu plus de 120 000 tests au gaïac), ce qui représente un taux de participation de 29,3 %. Pour la période correspondante à l’emploi du test immunologique (17 mois en moyenne par département), le taux de participation est de 28,6 % et le taux de tests positifs de 4,6 %, conforme à l’attendu. « Les taux de participation doivent, cette année encore, être interprétés avec prudence dans le contexte d’une période marquée par l’interruption de l’activité de dépistage en 2014 et 2015 et par une reprise progressive et une montée en charge des invitations variables selon les départements », précise Santé Publique France.
Pour l’instant, il ne semble pas que l’arrivée du test immunologique ait donc entraîné une augmentation du taux de participation. « Nous devons de ce fait explorer toutes les pistes possibles pour parvenir à cet objectif. Une première piste est de reprendre une pratique qui avait été abandonnée en cours de route : le fait d’envoyer directement au domicile des non-répondants le kit de dépistage par voie postale. On pense que cela pourrait permettre d’augmenter de 5 % le taux de participation », indique le Pr Benamouzig.
Augmenter les professionnels impliqués
Une autre option serait d’élargir le nombre de médecins qui remettent le kit aux patients. Aujourd’hui, cette mission est dévolue aux seuls généralistes. « Il est essentiel que ces derniers continuent d’être au cœur du dispositif mais en impliquant aussi les gastroentérologues, les gynécologues, voire, comme cela a été le cas par le passé, les médecins du travail », indique le Pr Benamouzig, en précisant que des expériences pilotes sont en cours d’évaluation pour une distribution des kits par les pharmaciens.
Une autre idée serait de repérer en lien avec l’Assurance-maladie et les structures de gestion les personnes non-répondantes pour ensuite attirer l’attention du généraliste traitant. « Il pourrait jouer un rôle proactif auprès de ces patients pour les sensibiliser à l’intérêt du dépistage. Ensuite, il va falloir élargir les actions de sensibilisation dans la presse professionnelle et dans les médias généralistes. Pour notre part, nous allons réorienter le message lors de notre journée du « colon-day » en mars. Jusque-là, on ciblait la population à risque. Désormais, on va aussi s’adresser à la population générale ».
Comme ses confrères, le Pr Benamouzig souhaiterait que la France puisse suivre l’exemple de pays un peu présentés comme des modèles, par exemple la Hollande. « Là-bas, les taux de participation est de 70 %. C’est considérable même s’il faudrait vérifier qu’ils calculent de la même manière que nous. En France, nous avons un taux de 30 % environ mais on arrive sans doute assez vite à 50 % si on ajoute tous les patients qui font une coloscopie pour une raison ou une autre ».
D’après un entretien avec le Pr Robert Benamouzig, chef du service de gastroentérologie de l’hôpital Avicenne à Bobigny, membre du conseil technique du dépistage du cancer colo-rectal, responsable de la commission qualité
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