L’INCONTINENCE ANALE, définie par la perte incontrôlée de selles et/ou de gaz, est une pathologie fréquente. D’après une enquête effectuée en 1990, 11 % de la population française âgée de plus de 45 ans souffre d’incontinence anale et 2 % d’incontinence fécale (perte incontrôlée de selles). Bien qu’elle concerne davantage les femmes, elle touche également les hommes (suites de chirurgie coloproctologique, maladie neurologique). Rarement signalée spontanément car encore tabou, il convient de la rechercher dans les populations à risque : patient ayant une incontinence urinaire (le risque d’incontinence anale est multiplié par deux), patient neurologique, sujets âgés vivant en institution. Sa survenue récente doit faire rechercher une pathologie organique et réaliser un bilan endoscopique, elle constitue l’un des modes de révélation du cancer colorectal.
S’il existe un trouble du transit, constipation ou diarrhée (environ 50 % des cas), il convient d’abord de le traiter, puis d’évaluer l’incontinence si elle persiste. Ensuite, des explorations spécifiques seront pratiquées à la recherche d’un trouble de la statique pelvienne ou d’un prolapsus rectal (un tiers des patients qui consultent pour incontinence anale ont un prolapsus rectal) : défécographie, IRM-défécographie ou rectoscopie à tube rigide qui met en évidence le prolapsus. Dans 70 % des cas, l’incontinence disparaît après l’intervention chirurgicale (rectopexie).
Un toucher rectal est pratiqué afin d’apprécier le tonus anal et la commande volontaire du sphincter. S’il existe une insuffisance sphinctérienne, la rééducation anorectale par biofeedback est indiquée. Elle nécessite un kinésithérapeute expérimenté. En cas d’échec de la rééducation, les explorations sont poursuivies pour préciser l’origine de l’insuffisance sphinctérienne et apprécier la qualité du réservoir rectal : manométrie anorectale, tests électrophysiologiques (maladie neurologique), échographie du sphincter (rupture du sphincter).
Des traitements qui s’orientent préférentiellement vers la stimulation électrique.
En cas d’incontinence fécale et/ou anale, si la cause est sphinctérienne sans lésion anatomique, sans pathologie organique colorectale, sans séquelle chirurgicale, ou en cas d’échec de la rééducation anorectale, la technique de neuromodulation des racines sacrées est indiquée. Cette technique chirurgicale « mini-invasive » est utilisée depuis deux ans avec 70 à 80 % de succès ; succès qui se maintiennent à long terme. Elle consiste à implanter sous la peau, à la partie haute de la fesse, un stimulateur implantable relié à une électrode au contact de la racine sacrée S3. Dans un premier temps, un test temporaire de stimulation est effectué en reliant l’électrode implantée en S3 à un boîtier de stimulation externe, porté à la ceinture, pendant une période de trois semaines environ. Si l’amélioration des symptômes est très nette, le boîtier externe est enlevé et remplacé par le stimulateur implanté. Le patient dispose d’une télécommande pour arrêter le stimulateur en cas d’urgence ou pour augmenter l’intensité de la stimulation en cas de perte d’efficacité. La durée de vie de la pile est de 5 à 10 ans. Petit à petit, ses indications s’élargissent. Ainsi, des études tendent à démontrer qu’elle peut être utilisée en cas de sphincter déchiré, de séquelles de résection chirurgicale colorectale et dans certaines pathologies colorectales inflammatoires (en dehors des poussées inflammatoires).
La technique de stimulation électrique transcutanée (TENS) consiste à stimuler le nerf tibial postérieur au niveau de la cheville, à l’aide d’électrodes cutanées, deux à trois fois par jour pendant 20 minutes. Utilisée par les urologues depuis quelques années, son efficacité sur l’incontinence anale n’a pas encore été prouvée. Une étude française multicentrique (13 centres) randomisée contre placebo incluant 144 patients a débuté fin 2009. Ses résultats sont très attendus.
Les techniques chirurgicales proprement dites comprennent la réparation sphinctérienne, le sphincter anal artificiel et la graciloplastie électrostimulée. La réparation sphinctérienne est utilisée en cas de sphincter déchiré. Du fait de résultats médiocres (50 % de rechutes à 5 ans), ses indications diminuent. Néanmoins, elle garde sa place quand les lésions sont étendues et significatives (comprises entre 30 et 50 % de la taille du sphincter) et quand l’incontinence est apparue après la déchirure du sphincter. La graciloplastie électrostimulée associe une transposition du muscle gracilis et une électrostimulation de ce muscle transposé. La technique de substitution sphinctérienne consiste à remplacer le sphincter natif par un sphincter anal artificiel. Ces deux techniques sont efficaces, 80-90 % de bons résultats sur une population très sélectionnée, mais entraînent de fréquents problèmes mécaniques. Elles sont particulièrement indiquées chez les sujets jeunes après traumatisme périnéal et qui ne présentent pas d’anomalie neurologique. Chez les patients qui présentent une constipation sévère associée à l’incontinence (sujets neurologiques), l’intervention de Malone peut être une solution efficace. Cette intervention consiste à créer en fosse iliaque droite (ou dans l’ombilic) un orifice cutané continent reliant la paroi abdominale au cæcum et pouvant être cathétérisé afin d’effectuer des lavements coliques antérogrades. Les lavements réguliers permettent une vidange colorectale complète et réduisent les fuites anales. Les systèmes d’irrigation colique par voie rétrograde nouvellement mis sur le marché (système Peristeen) permettront peut-être d’obtenir des résultats équivalents. Enfin, quand toutes les solutions ont été épuisées, le recours à la stomie est à envisager.
Quant aux autres techniques, radiofréquence et mise en place d’un ballonnet dans le canal anal, elles ont été abandonnées. L’avenir sera peut-être la thérapie cellulaire qui, aujourd’hui, en est encore au stade de l’expérimentation animale.
D’après un entretien avec le Dr Anne-Marie Leroi, CHU de Rouen
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