Le système nerveux entérique est un ensemble de systèmes nerveux autonomes qui régule la motricité digestive (péristaltisme) et la sécrétion d’hormones, d’enzymes et de neurotransmetteurs. Ce système est à l’origine de la sécrétion de la majorité de la sérotonine et de la dopamine. Il entretient des liens étroits avec le système immunitaire et le système nerveux central.
Le lien entre stress psychique et tube digestif est connu depuis longtemps. Par exemple, les douleurs abdominales et les diarrhées sont des manifestations classiquement observées au cours des stress psychologiques et des crises d’anxiété. De même, le stress psychique est un facteur classique de poussées inflammatoires des maladies intestinales digestives, du rhumatisme psoriasique ou encore de la polyarthrite rhumatoïde. Cependant, les mécanismes moléculaires et cellulaires ne sont pas bien compris.
Une production accrue d’anti-TNF-α et de TGF-β2
Les auteurs de ce travail ont identifié, grâce à de nombreux modèles animaux et des technologiques omics, les relations entre le système nerveux central et le système nerveux entérique, à l’origine des poussées inflammatoires des maladies inflammatoires intestinales (MICI). Le stress psychique induit dans ces différents modèles animaux des poussées inflammatoires digestives et des colites. Dans le modèle de colite par injection de sel de sodium au sulfate de dextrane (DSS), les analyses transcriptomiques de cellule unique des muqueuses digestives des souris témoins et des souris soumises à un stress psychique ont identifié des gènes différentiellement exprimés dans les cellules immunitaires.
Par ailleurs, le stress psychique était associé à une production importante de corticoïde via l’axe hypothalomo-hypophyso-surrénalien et de catécholamines via le système nerveux sympathique. La production accrue et maintenue des corticoïdes était à l’origine de modifications du système nerveux entérique qui favorisait le développement de monocytes produisant en quantité importante du TNF-α via le facteur de croissance CSF-1 (colony stimuling factor), à l’origine des poussées inflammatoires. De plus, les corticoïdes induisaient des modifications des phénotypes des cellules neuronales du système nerveux entérique, responsables d’une immaturité neuronale et d’une production diminuée d’acétylcholine, à l’origine des troubles du péristaltisme digestif via une production trop importante de TGF-β2.
Ces observations pré-cliniques ont été secondairement validées dans 3 cohortes différentes de patients atteints de MICI. Dans ces cohortes, les taux de monocytes étaient plus importants chez des patients avec stress psychique. L’analyse de 63 biopsies digestives de patients avec MICI montrait une corrélation positive entre stress psychique, sévérité de l’inflammation intestinale, importance de l’infiltrat de monocytes et niveau d’expression du TNF-α et du TGF-β2 dans les muqueuses digestives.
L’ensemble des résultats montre le lien moléculaire et cellulaire entre stress psychique et poussée inflammatoire digestive. Il montre aussi l’importance de l’évaluation psychique des patients et de la mise en place des stratégies pour diminuer l’anxiété, le stress et la dépression dans la prise en charge des maladies inflammatoires. D’autres études sont nécessaires pour comprendre le paradoxe apparent entre l’implication des corticoïdes endogènes dans les poussées inflammatoires et les effets anti-inflammatoires des corticoïdes synthétiques.
(*) Schneider et al. The enteric nervous system relays psychological stress to intestinal inflammation 2023, Cell 186 ; 2823-2838.
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