LA POLITIQUE de dépistage systématique du cancer colo-rectal (CCR) va vraisemblablement augmenter le nombre de coloscopies après un test de dépistage positif par Hemoccult, ce geste se devant d’être le plus sûr possible. « Parallèlement, les examens endoscopiques sont amenés à considérablement se développer dans les années qui viennent, l’écart entre les indications de la chirurgie et celle de l’endoscopie se réduisant en faveur des techniques endoscopiques » explique le Pr René Laugier. « Le gastroentérologue sera amené à traiter des lésions de plus en plus difficiles avec les risques de complications inhérents mais dans des conditions techniques de sécurité toujours plus grandes ».
On est de plus en plus souvent confronté à des sujets traités par anticoagulants ou des antiagrégants plaquettaires, ce qui complique singulièrement la résection d’un polype. Actuellement, les recommandations sont claires : aucun geste endoscopique à visée thérapeutique ne doit être pratiqué sous bithérapie antiplaquettaire, ni sous AVK. L’attitude doit être particulièrement prudente et réservée chez les patients recevant une thiénopyridine. Une étude multicentrique française se met en place pour évaluer certains gestes possibles sous aspirine (polypectomies, mucosectomies). Des recommandations spécifiques aux actes endoscopiques susceptibles d’être réalisés chez des patients recevant des antiagrégants plaquettaires devraient être publiées prochainement par la SFED sous l’égide de la Haute Autorité de santé (HAS).
Les difficultés peuvent aussi être liées aux polypes eux-mêmes, du fait de leur nombre, de leur localisation (derrière un pli, au-delà de l’angle colique droit ou au niveau de la charnière recto-sigmoïdienne) ou de leur taille. La taille maximale au-delà de laquelle le traitement par endoscopie est déraisonnable n’est pas immuable, mais se détermine en fonction des autres critères cliniques.
Des progrès technologiques
Les matériels et méthodes les plus récents rendent le geste de polypectomie plus sûr en aidant à limiter les incidents et/ou à les gérer. Il en va ainsi de la mucosectomie, technique de résection endoscopique de la muqueuse et de la sous-muqueuse de la paroi colorectale, qui permet de réséquer une lésion plane, après une injection sous-muqueuse de sérum physiologique permettant de la pédiculiser. Les interventions sont facilitées par l’offre de diverses anses diathermiques, la possibilité de poser des anses largables de contention (« endoloop »), un grand choix de bistouris permettant des réglages plus fins pour une plus grande sécurité ou l’utilisation d’endoscopes à double canal pour mieux tenir la lésion à réséquer et mieux se positionner. Enfin, d’autres outils autorisent le traitement des complications hémorragiques vis-à-vis desquelles on n’a pendant longtemps disposé que des injections d’adrénaline, comme de petits clips à positionnement unique ou multiple, utilisés aussi pour fermer des perforations. De nouveaux systèmes comme le clip Ovesco (« over the scope », dit piège à loup) assurent en un seul geste la fermeture des brèches supérieures à 15 mm.
Ces progrès techniques ont aussi fait évoluer les mentalités : la possibilité de traiter désormais la plupart des complications par l’endoscopie et non plus systématiquement par une intervention chirurgicale dédramatise la situation et lève les obstacles psychologiques à la réalisation de certaines polypectomies endoscopiques, " à condition d’être de plus en plus circonspect sur l’état général du patient et de ses traitements ainsi que sur la difficulté liée aux caractéristiques des polypes, et de tout mettre en uvre pour repérer et traiter le plus rapidement et le mieux possible une éventuelle complication" insiste le Pr Laugier.
Suivi des lésions incomplètement réséquées.
Le dernier problème pratique est celui des polypes dont l’exérèse a été incomplète (ce qui pourrait être largement évité par une inspection soigneuse des lésions). L’occasion de rappeler les recommandations de la HAS sur la conduite à tenir lorsque les marges d’exérèse ne passent pas en tissu sain, et cela, en fonction du caractère pédiculé ou non du polype dont l’exérèse n’a pas été complète : que faire, quand réintervenir, quand faire appel au chirurgien ?
D’après un entretien avec le Pr René Laugier, hôpital de La Timone, Marseille,président de la SFED.
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