Quel chemin reste-t-il à parcourir jusqu'à l'objectif d'élimination des hépatites en France d'ici à 2030 ? Des progrès indéniables ont été faits, mais le dépistage de l'hépatite C souffre encore d'insuffisances, pointe une série d'articles publiés dans le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » de Santé publique France, ce 25 juillet, trois jours avant la journée mondiale.
Selon les données les plus récentes, 91,2 % des nourrissons nés en 2021 ont reçu trois doses du vaccin contre le VHB (obligatoire depuis le 1er janvier 2018), une couverture vaccinale en nette progression depuis 2017. « Il est raisonnable d'espérer que, dans une dizaine d'années, les adolescents entrant dans la vie sexuelle auront une excellente couverture vaccinale contre le VHB », commente la Pr Françoise Roudot-Thoraval (service d'hépatologie GHU Henri-Mondor, Créteil) dans l'éditorial. La stratégie nationale de santé sexuelle fixe un objectif de couverture vaccinale de 95 % en 2030.
Un meilleur dépistage, malgré la pandémie
Le dépistage des hépatites B et C est toujours plus important. En 2021, 5,1 millions de tests anti-VHC et 5,4 millions de tests antigène HBs (Ag HBs) ont été réalisés en France, soit une augmentation de respectivement 24 % et 25 % par rapport à 2016, selon l'enquête LaboHEP 2021, réalisée auprès des laboratoires publics et privés.
Cela représente 76 tests anti-VHC pour 1 000 habitants, et 80 tests Ag HBs pour 1000, ce qui « suggère un dépistage large de la population, comme préconisé par les rapports de recommandations de 2014 et 2016, soutenus par l'Association française pour l'étude du foie (Afef), qui étaient en faveur d'un dépistage universel des hépatites B et C », au moins une fois dans la vie, lit-on. Une option que la Haute Autorité de santé (HAS) n'a pourtant pas jugée coût-efficace et n'a pas retenu, optant plutôt pour un dépistage de l'hépatite C ciblé sur les personnes à risque élevé d'exposition.
Un autre article montre que si la pandémie de Covid, et notamment le premier confinement, ont ralenti le dépistage de l'hépatite C (de 8 % en 2020, et même de 55 % en avril 2020, par rapport à février), l'année 2021 a été marquée par un rattrapage significatif (+ 9 %) qui a permis de retrouver le niveau de 2019. Idem pour le dépistage des hépatites B et Delta.
Des facteurs de risque méconnus
Mais certains signaux laissent penser que les personnes les plus exposées au risque d'infection passent entre les mailles du filet. La Pr Roudot-Thoraval relève notamment dans son éditorial que le dépistage du VHC et du VHB concerne plus souvent les femmes (à plus de 60 % pour le VHC, notamment dans le cadre d'un projet de grossesse) que les hommes et les moins de 40 ans, alors que les patients infectés par les hépatites sont plus souvent des hommes, de 40 à 59 ans pour le VHB, et de 30 à 49 ans pour le VHC.
Autre incohérence : malgré l'accès universel aux antiviraux à action directe (AAD) et la hausse du dépistage du VHC, le nombre de traitements initiés a fortement et régulièrement diminué après l'ouverture des AAD à tous (en 2016), ce qui peut certes s'expliquer par la baisse du nombre de malades restant à traiter, mais aussi par la difficulté à atteindre des populations éloignées du soin.
Le dépistage ciblé sur facteurs de risque, tel que préconisé par la HAS, montre ses limites, analyse la Pr Roudot-Thoraval, à la lumière de l'article de la Dr Isabelle Rosa, médecin dans le service d'hépato-gastroentérologie du CHI de Créteil, publié dans ce « BEH ». Les médecins généralistes sont les premiers acteurs du dépistage (à plus de 40 %, versus 25 % de spécialistes, et 7,6 % de Csapa* et Caarud**) pour une hépatite C, selon cette étude observationnelle.
Mais le test n'est proposé en raison de l'existence de facteurs de risque (usage de drogue surtout, antécédent de transfusion, migration, incarcération…) que dans 36 % des cas. Il l'est dans 24 % des cas, en raison d'anomalies biologiques ou cliniques, et de manière systématique dans 27 % des cas en préopératoire par des anesthésistes ou des obstétriciens. Or il y a là une perte de chance, car la moitié des patients n'évoquent pas spontanément leurs facteurs de risque (omission d'un usage de drogue, ancienneté d'une transfusion…), qu'on retrouve pourtant dans près de 67 % des cas, une fois la sérologie connue.
Saisir l'opportunité des consultations de prévention dès 45 ans
Regrettant à demi-mot le choix de la HAS de conditionner le dépistage à la présence d'un facteur de risque, les auteurs estiment qu'un dépistage systématique en médecine générale des plus de 40 ans (qui représentent plus de 80 % des patients diagnostiqués), en parallèle du dépistage ciblé des personnes à risque, permettrait d'atteindre l'objectif de l'élimination du VHC d'ici à 2030.
Les consultations médicales de prévention, notamment celles prévues à 45 ans - qui devraient voir le jour dès cet automne - « sont sûrement une opportunité de dépistage des hépatites », considère la Pr Roudot-Thoraval, au moins pour une investigation poussée des facteurs de risque occultés ou méconnus des patients et la diffusion d'informations.
Une stratégie prometteuse, à en croire un article du Dr André-Jean Rémy (service d'hépato-gastro-entérologie au CH de Perpignan) qui montre que plus de 97 % des patients de plus de 40 ans ont accepté un dépistage du VHC avant une endoscopie. Outre la grande acceptabilité du test, l'étude montre que cette stratégie permet une prise en charge d'un nombre élevé de patients, puisque la prévalence retrouvée dans cette population est de 6 %, versus 0,86 % en population générale.
*Csapa : centres de soin, d'accompagnement et de prévention en addictologie
**Caarud : centre d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues
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