LE QUOTIDIEN - Reste-t-il aujourd’hui un risque infectieux en endoscopie digestive ?
Dr CHRISTIAN BOUSTIERE – Nous pouvons répondre non. Il faut cependant différencier les infections endogènes dont les germes portés par le patient sont responsables et les infections exogènes qui résultent d’une transmission microbienne entre patients. Dans le cas des infections endogènes, elles sont le fait de malades à risque, comme c’est le cas des patients porteurs de valves cardiaques et plus généralement de certains matériels implantables. Les gestes invasifs réalisés au cours de procédures endoscopiques sont connus pour augmenter le risque de bactériémie et il faut alors prendre des mesures d’antibioprophylaxie qui sont à l’heure actuelle bien codifiées dans une recommandation rédigée par la Société française d’endoscopie digestive (SFED). Quant aux possibilités de transmission d’infections de patient à patient, elles peuvent être liées à l’appareillage endoscopique ou au petit matériel. Ce dernier étant actuellement à usage unique, le risque infectieux inhérent est quasi nul. L’endoscope est lui soumis à des procédés réglementés de désinfection compatibles avec ce matériel thermosensible, et qui ont démontré leur parfaite efficacité vis-à-vis des contaminations bactériennes et virales. C’est pour cette raison qu’en 2007, le Comité supérieur d’hygiène publique de France (CSHPF) a rendu une conclusion sur l’inutilité pratique d’un ordre de passage des patients en fonction du risque infectieux connu ou potentiel . Ainsi « faire passer » les patients porteurs d’une infection, telle une hépatite C, en fin de programme n’a aucune justification si toutes les procédures de désinfection sont parfaitement respectées. Il ne faut pas non plus sous-estimer le risque de transmission virale au cours de procédures anesthésiques (partage de flacons ou matériel d’injection), qui ont été reconnues comme responsables dans un certain nombre de cas.
La seule incertitude, bien que théorique vu la rareté des cas décrits, concerne les patients atteints ou suspects de maladie de Creutzfeldt-Jakob. Ces patients doivent être signalés obligatoirement par une fiche de recueil à remplir avant toute intervention et le matériel utilisé lors d’une endoscopie effectuée chez ces malades doit être séquestré. Pour conclure ce chapitre, on peut donc dire qu’en France, les différentes mesures régies par des circulaires, des recommandations et même des décrets, et qui sont, il faut le souligner, parmi les plus contraignantes en Europe, ont permis de réduire considérablement, si ce n’est de supprimer, le risque infectieux lié aux procédures endoscopiques.
Qu’en est-il du risque hémorragique ?
Ce risque existe chez les patients sous anticoagulants ou sous antiagrégants plaquettaires dont le nombre est de plus en plus important. Pour ce qui est des anticoagulants, la situation est assez simple. Selon les recommandations émises en 2008 par la Haute Autorité de santé (HAS), chez les patients sous anti-vitamine K et qui doivent bénéficier d’une endoscopie thérapeutique, il faut effectuer un relais par héparine de façon à obtenir une fenêtre d’isocoagulabilité de 12 à 24 heures. Pour les patients sous antiagrégants plaquettaires, la SFED a élaboré en 2006 des recommandations qui vont prochainement être relayées par celles de la HAS, afin de déterminer le risque thrombotique du patient à mettre en balance avec le risque hémorragique potentiel de la procédure endoscopique. Le plus important sera de proposer une liste d’actes endoscopiques qui peuvent être réalisés sans modifier le traitement anti-agrégant et ceux qui pourront l’être en gardant l’aspirine seule à faible dose, le risque hémorragique étant alors vraisemblablement très faible. Les choses seront évidemment plus simples chez les patients à faible risque thrombotique chez qui il est possible d’arrêter le traitement antiagrégant pendant 5 jours afin de réaliser l’endoscopie. Pour l’heure, il faut savoir peser au cas par cas la balance bénéfice/risque et savoir différer l’examen chez les malades à très haut risque thrombotique, et l’avis du cardiologue est bien sûr primordial dans la prise de décision qui doit être collégiale.
Il faut, de plus, savoir qu’actuellement les hémorragies survenant sous endoscopie, principalement lors de polypectomies, sont, dans la grande majorité des cas, contrôlables. On dispose en effet de différents outils, clips, nuds largables, colle, etc. qui permettent de les juguler au cours de l’intervention évitant ainsi le recours à la chirurgie. En fait les hémorragies survenant pendant une endoscopie interventionnelle doivent être considérées comme des incidents plutôt que comme de réelles complications.
Quelle est finalement la complication majeure de l’endoscopie ?
En termes de volume d’actes, il s’agit de la perforation au cours d’une coloscopie. En fait, il s’agit le plus souvent, non pas d’une authentique perforation, mais plutôt d’une déchirure liée à la mise en tension le plus fréquemment du sigmoïde au cours de la progression de l’endoscope. Cet aléa thérapeutique est rare puisque l’on estime sa fréquence à 0,1/1000 coloscopies, et qu’il survient plus fréquemment sur des côlons fragilisés (abdomens multi-opérés, diverticules, patients âgés). La sanction est alors le plus souvent chirurgicale, car les possibilités de suture endoscopique sont en règle insuffisantes dans ce cas alors qu’elles peuvent permettre de refermer une perforation due à une polypectomie ou une mucosectomie. Dans l’enquête « Deux jours d’endoscopie en France » qui va bientôt être publiée et qui a permis de renseigner plus de 7 000 actes endoscopiques dont près de la moitié étaient des coloscopies, aucune perforation colique n’a d’ailleurs été recensée.
Il s’agit cependant d’une éventualité à connaître, ce d’autant que la coloscopie peut être réalisée dans le cadre d’un dépistage et donc chez des sujets a priori indemnes de pathologie.
Que faut-il savoir d’un point de vue juridique ?
La consultation préalable du gastro-entérologue est recommandée par la SFED avant tout acte endoscopique hors urgences ou situations particulières. C’est l’occasion de donner une information complète et écrite à son patient et de faire en sorte d’en garder une preuve indiscutable dans le dossier. Cela ne doit pas faire sous-estimer l’obligation de respecter les bonnes pratiques et, en particulier, le respect des indications validées et des recommandations. En cas de complication, il faut rappeler l’importance de suivre son patient durant toutes les étapes du traitement de cette complication, même si un autre spécialiste est intervenu. Une jurisprudence récente (septembre 2008) vient d’alourdir la présomption de faute du praticien en introduisant la notion de maladresse ayant provoqué la perforation lors de la coloscopie.
Quel message principal souhaitez-vous délivrer ?
Compte tenu du nombre de gestes effectués (3 millions par an en France), l’endoscopie est actuellement une technique sûre et efficace et qui ne cesse de s’améliorer. Les sociétés savantes comme la SFED jouent un rôle essentiel dans cette quête de la qualité qui passe par le respect des indications, la compétence des praticiens, l’utilisation d’un matériel adapté et le suivi des recommandations. Cette exigence ne doit pas être envisagée comme une contrainte supplémentaire, mais doit être intégrée naturellement à l’acte médical dans l’intérêt de tous, patients et praticiens.
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