LES ANTI-TNF, à savoir l’infliximab et plus récemment l’adalimumab, constituent un apport majeur dans le traitement des patients atteints de maladie de Crohn sévère résistant aux traitements immunosuppresseurs et/ou aux corticoïdes. Leur utilisation est ainsi de plus en plus fréquente et l’on estime aujourd’hui que 15 % à 20 % des malades reçoivent cette biothérapie à un moment ou à un autre de l’évolution de leur affection. Cette proportion pourrait s’accroître dans les prochaines années. Ce d’autant que se profile l’intérêt d’introduire plus précocement les anti-TNF dans la stratégie thérapeutique, en particulier pour les formes à haut potentiel évolutif. Prescrits initialement en association avec les immunosuppresseurs, les anti-TNF ont par la suite été administrés en monothérapie, mais une étude récente (SONIC) vient de montrer qu’un traitement d’induction par l’infliximab était plus efficace lorsqu’il était combiné à un immunosuppresseur. Si un traitement par immunosuppresseur seul ou par anti-TNF seul peut se révéler suffisant chez certains malades, les données actuelles semblent donc favoriser le recours à une association thérapeutique chez les malades porteurs des formes les plus sévères. Néanmoins, des informations concernant l’efficacité et surtout la tolérance à long terme, notamment infectieuse et hématologique, manquent encore. S’ajoutent également le problème de l’augmentation importante du coût thérapeutique ainsi que le souhait fréquent émis par les patients de l’abandon des traitements administrés par voie parentérale. Naturellement, s’est donc posée la question de savoir si un traitement par anti-TNF pouvait être interrompu avec sécurité après l’obtention d’une période de rémission prolongée sous traitement combiné. Pour y répondre, une étude prospective, STORI, a été mise en place avec comme objectif d’évaluer le risque de rechute à l’arrêt de l’infliximab chez des patients atteints d’une maladie de Crohn résistant le plus souvent aux immunosuppresseurs, mais ayant pu être stabilisée après l’adjonction d’infliximab. Ce travail devait également permettre l’identification de facteurs prédictifs de récidive et de savoir si un « retraitement » par anti-TNF était envisageable chez les patients en rechute.
Plus de la moitié des patients toujours en rémission.
Au total, 115 patients atteints de maladie de Crohn traités depuis au moins un an par une association d’immunosuppresseur et d’infliximab et en rémission stable, sans traitement corticoïde depuis au moins 6 mois, ont été recrutés dans 20 centres du GETAID (groupe d’étude thérapeutique des affections inflammatoires du tube digestif), entre mars 2006 et janvier 2008. La durée médiane des traitements était, respectivement pour l’infliximab et l’immunosuppresseur, de 2,2 ans et 2,8 ans avec, à l’inclusion, un score d’activité clinique médian (CDAI ou Crohn’s disease activity index) de 37, un indice d’activité endoscopique médian (CDEIS) de 0,7 et un taux médian de CRP de 2,5 mg/l. Les malades ont été suivis tous les deux mois. La rechute était définie par un CDAI › 250 ou compris entre 150 et 250 avec un accroissement d’au moins 70 points par rapport au score d’inclusion, lors de deux visites successives.
Après un suivi médian de 9,5 mois, seulement 38 patients avaient rechuté, une bonne surprise pour les investigateurs de l’étude qui avaient initialement tablé sur un taux d’au moins 50 %, s’agissant d’une population de patients atteints d’une maladie de Crohn ancienne et évolutive et ayant pour beaucoup une résistance primaire ou secondaire au traitement immunosuppresseur.
En analyse univariée, les facteurs associés à un haut risque de rechute étaient le tabagisme (hasard ratio : 2,3 ; p = 0,009), un taux d’hémoglobine < 14,5 g/dl (HR : 3,6 ; p = 0,002) et la persistance de lésions endoscopiques (CDEIS › 0 : HR =2,4 ; p = 0,03). D’autres marqueurs, comme la calprotectine fécale ou la CRP ultrasensible étaient également associés à la rechute. Une analyse multivariée sur les données finales devrait permettre d’établir un score prédictif simple. « L’idée est à terme de pouvoir disposer d’un score comportant des marqueurs non invasifs permettant d’évaluer facilement le risque de rechute en s’affranchissant de l’examen endoscopique » souligne à cet égard le Pr Édouard Louis, « mais, pour cela, nous attendons les résultats de l’analyse finale. D’ores et déjà, on peut avancer que la cicatrisation complète des lésions endoscopiques et la normalisation biologique sont des paramètres signant une rémission d’excellente qualité et prédictifs d’une absence de rechute à l’arrêt de l’anti-TNF ». De fait en cas de rémission à la fois clinique, biologique et endoscopique, ce qui a été constaté chez plus d’un quart des malades, le risque de rechute a été très faible, de l’ordre de10-15 %.
Autre donnée rassurante, le « re-traitement » par infliximab des 37 patients évaluables ayant rechuté après l’arrêt du traitement par anti-TNF est apparu aussi efficace que la première fois. Une rémission a en effet été à nouveau possible quatre semaines après la réintroduction de l’infliximab chez 36 d’entre eux.
Une aide à la décision thérapeutique.
L’analyse intermédiaire de cette étude prospective apporte ainsi un nouvel éclairage sur l’utilisation des anti-TNF dans la maladie de Crohn. D’une part, cette biothérapie, lorsqu’elle a été administrée pendant un temps suffisamment long, en association à un immunosuppresseur, est susceptible d’induire une rémission profonde. D’autre part, une nouvelle cure d’anti-TNF est toujours aussi efficace en cas de récidive. Enfin, des facteurs de risque élevé de rechute ont pu être identifiés ce qui offre la possibilité de discerner les patients chez lesquels il apparaît possible d’interrompre le traitement par anti-TNF et de maintenir la rémission par immunosuppresseur seul.
D’après un entretien avec le Pr Édouard Louis, Département de gastro-entérologie, CHU, Liège, Belgique.
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