Les chercheurs de l'université catholique de Louvain ont exploré la question de l'interaction bilatérale entre le médicament antirejet tacrolimus et le microbiote : comment la composition du microbiote influence l'absorption du tacrolimus et comment la présence de cette molécule modifie en retour la composition du microbiote. Dans un article publié dans la revue « Microbiome », ils décrivent comment un déséquilibre dans la production de glycoprotéines P affecte négativement l'absorption du tacrolimus.
Dans le cadre d'une prise en charge postgreffe, la stratégie antirejet s'appuie en général sur une trithérapie composée d'un corticostéroïde, d'un antimétabolite et d'un inhibiteur de la calcineurine. Le tacrolimus est un inhibiteur de la calcineurine, généralement considéré comme un pilier de cette stratégie, mais sa bonne utilisation est complexe, compte tenu de l'étroitesse de son index thérapeutique et des fortes variabilités pharmacocinétiques observées d'un individu à l'autre.
Le tacrolimus modifie la flore intestinale
Les scientifiques belges ont pour cela travaillé à partir d'un modèle de souris. La prise de tacrolimus provoquait chez ces animaux une altération du microbiote avec une notable diminution de l'abondance de certains types bactériens.
Compte tenu de la nature très composite du microbiote, les auteurs reconnaissent d'emblée qu'il est difficile de distinguer l'augmentation ou la diminution relative d'un taxon bactérien en particulier. Ils rapportent néanmoins une augmentation de l'abondance en Alistipes et une diminution de celles de Clostridiales, Lachnospiraceae et Ruminoccocaceae lors d'une exposition au tacrolimus. Ces modifications, qui restent à confirmer chez l'homme, ont des effets sur la santé encore difficiles à apprécier.
Inclure le microbiote pour prédire le dosage nécessaire
Au cours de leurs travaux sur les rongeurs, les scientifiques ont appauvri la flore microbienne de certains animaux par un traitement antibiotique. Le taux sanguin de tacrolimus était diminué d'un tiers après la prise orale, par rapport à des souris dont le microbiote était plus diversifié.
Des études antérieures avaient montré qu'en prise orale, le tacrolimus atteint l'intestin grêle où la protéine ABCB1, mieux connue sous le nom de glycoprotéine P, limite son absorption intestinale. Les équipes belges ont confirmé que les souris dont les taux sanguins de tacrolimus étaient les plus faibles étaient aussi celles chez qui l'on observait une forte expression des gènes codant pour cette protéine dans le petit intestin. De plus, l'implication de la glycoprotéine P dans la modulation de l'absorption du tacrolimus a été confirmée lors d'expériences in vitro.
Les auteurs estiment que les implications de leur travail vont bien au-delà du seul cas de l'absorption du tacrolimus. « Compte tenu du grand nombre de traitements dont l'absorption connaît des variations inexpliquées d'un individu à l'autre, notre travail a une importance clinique et ouvre la voie à l'inclusion du microbiote dans les algorithmes prédictifs de dosage de ces différentes molécules », affirment-ils.
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