En France, on estime à quelques centaines le nombre de transplantations fécales par an. « Dans le service l’activité de TF pour IRCD augmente de façon exponentielle », indique le Dr Sokol. La TF, perçue comme naturelle, séduit. « Attention à ne pas mettre la charrue avant les bœufs. Nous sommes très sollicités pour réaliser des TF dans des indications où rien n’est prouvé (ni efficacité, ni innocuité) que nous devons refuser », précise le Dr Sokol.
Les infections récidivantes à Clostridium difficile constituent un problème d’écologie intestinale pure. Depuis l’étude de Van Noods et al. (NEJM 2013), les recommandations (USA, Europe) placent la TF parmi les options thérapeutiques à partir de la 2e récidive moins de 8 semaines après la fin du traitement précédant. Le Dr Sokol souligne « les résultats spectaculaires de la transplantation fécale dans cette indication : 80 à 95 % de guérison contre 30 % au mieux pour l’antibiothérapie standard ». Dans les formes fulminantes (relevant de chirurgie) la TF pourrait être efficace. « Une étude ouverte serait intéressante dans les cas inopérables, de sombre pronostic », note le Dr Sokol.
La recherche se poursuit
Le microbiote intestinal (MI) joue un rôle physiologique majeur : métabolisme énergétique, défense contre les pathogènes, maturation du système immunitaire, (voire maturation cérébrale). Des perturbations du MI pourraient être impliquées dans les MICI (Crohn, rectocolite hémorragique, RCH), le syndrome de l’intestin irritable, les inflammations articulaires, le syndrome métabolique, et des maladies neuropsychiatriques (autisme). « Modifier le MI peut apporter un bénéfice thérapeutique sur des modèles animaux de certaines de ces maladies, mais - à ce jour - la TF n’y a pas fait preuve de son efficacité », indique le Dr Sokol.
Dans la maladie de Crohn, des études de TF sont en cours. La première étude française débute à l’hôpital Saint Antoine : 2/3 des patients sont inclus et les résultats préliminaires sont attendus dans 1 an (critère principal, implantation de la flore ; critères secondaires, impact sur la maladie).
Dans la RCH, deux études ont été publiées en 2015. L’une est négative (pas d’effet, dans la RCH en poussée) « mais elle administrait la TF par voie haute, ce qui est discutable pour une maladie du colon », remarque le Dr Sokol. L’autre montre un faible effet sur la RCH en poussée « mais les conditions d’administration par petits lavements sans préparation colique n’étaient pas optimales », note le Dr Sokol.
Des modalités à affiner
Les modalités de la TF doivent être affinées : voie d’administration (sonde nasoduodénale, lavement, coloscopie), modalité de préparation, timing. « Dans ces maladies complexes du dialogue entre le MI et hôte, faut-il n’agir que sur le MI ou y associer un traitement de l’hôte, par exemple par immunosuppresseur dans les MICI ? » se demande le spécialiste.
La recherche porte sur les modalités d’administration, le choix du donneur (bon donneur, compatibilité), les molécules et/ou bactéries actives du MI de « bons donneurs ». Des essais de microbiotes artificiels (bactéries contrôlées) sont en cours dans les IRCD. « Dans les indications potentielles de la TF, la recherche affine les connaissances sur la flore intestinale et pourrait déboucher sur une validation de la TF ou sur de nouveaux traitements », précise le Dr Sokol.
Quels risques fait courir la TF ? « Il est difficile de répondre à cette question, note le Dr Sokol. Quelques mois après une TF, plus qu’un microbiote donneur implanté on observe un mélange entre microbiotes du donneur et du receveur. À court terme les données sont rassurantes, avec une bonne sécurité, même chez les immunodéprimés. À long terme, la TF peut-elle transférer un risque de maladie ultérieur ? Une cohorte nationale de patients ayant eu une TF est en projet pour les suivre à long terme. »
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