Hémorroïdes internes
Le traitement instrumental ne s'adresse qu'aux hémorroïdes internes qui se manifestent par des rectorragies et/ou un prolapsus. Son objectif est de créer une fibrose cicatricielle pour fixer la muqueuse au plan profond et réduire la vascularisation. Il n'entraîne pas d'altération anatomique et peut être considéré comme efficace, même si c'est de façon temporaire. Il est contre-indiqué en cas d’hémorroïdes circulaires et volumineuses prolabées en permanence ou difficilement réductibles, de thrombose interne ou externe et d’associations morbides comme des fissures anales ou des suppurations, ou encore en cas de douleur aiguë.
Trois techniques sont validées, les injections sclérosantes, la photocoagulation par infrarouges et les ligatures élastiques. La coagulation bipolaire (Bicap) et la coagulation monopolaire (Ultroïd) ont été utilisées, notamment par les Anglo-Saxons, mais n'ont pas fait la preuve de leur supériorité sur les techniques moins agressives.
La cryothérapie, progressivement abandonnée, n'apporte pas de bénéfices en termes de confort ou d'efficacité. La ligature guidée par Doppler des artères hémorroïdales est une nouvelle technique prometteuse, mais elle nécessite une anesthésie. Elle n'est pas encore validée et n'est pas codifiée dans la CCAM.
La sclérose hémorroïdaire
Introduite en France par R. Bensaude, la sclérose hémorroïdaire date de la fin du XIXe siècle. Elle consiste en des injections de chlorhydrate double de quinine et d'urée (Kinuréa), seul produit à avoir l’autorisation de mise sur le marché dans cette indication. Il est injecté à l'aide d'un prolongateur et d'une aiguille courte dans la sous-muqueuse.
Avant l'injection de liquide, l'aiguille doit être mobilisée légèrement, car l'injection sera douloureuse et inefficace si elle est fixée dans la musculeuse. Une injection trop superficielle peut créer un œdème en « vessie de poisson », donnant une sensation douloureuse de corps étranger intra-anal. De 2 à 5 ml sont injectés aux pôles opposés, en évitant l'injection au pôle antérieur et au pôle postérieur (raphé anococcygien). Les séances peuvent être répétées deux à quatre fois avec des fenêtres thérapeutiques de 21 jours. Le chlorhydrate double de quinine urée est contre-indiqué en cas de grossesse, de névrite optique et de traitement anticoagulant.
La photocoagulation infrarouge
La photocoagulation infrarouge a l'avantage de ne pas utiliser d'injection de produit allergisant. La chaleur émise par la source d’infrarouges est conduite jusqu'à l'extrémité d’une tige en fibre de verre qui est appliquée sur la muqueuse. Les impacts d’une à deux secondes, réalisés dans la circonférence anale tous les 8 à 10 mm, provoquent l'apparition de pastilles blanches de coagulation de 3 mm de profondeur et un léger œdème périlésionnel qui disparaissent en trois semaines. La fréquence des séances est la même que pour les injections sclérosantes.
La ligature élastique
Introduite en France par J. Soullard, la ligature élastique consiste à mettre en place un anneau élastique dans la zone cylindrique sus-pectinéale, insensible. L'appareil à aspiration est préféré à l'appareil à griffe, car il ne provoque pas d'effraction muqueuse et permet un meilleur contrôle à vue. Les séances de ligatures peuvent être répétées 2 ou 3 fois, en respectant un intervalle de 30 jours. Une triple ligature réalisée en une seule séance permet d'obtenir des résultats comparables à trois séances successives sans majoration du risque de complications.
L’lectrocoagulation monopolaire et bipolaire
La diathermie bipolaire de contact (Bicap) utilise un générateur électrique et une sonde à deux électrodes. La sonde est appliquée en zone sus-pectinéale et réalise une électrocoagulation large par envoi de 2 à 6 impulsions d'une à deux secondes chacune. L'électrocoagulation monopolaire à courant direct (Ultroïd) est limitée par la durée de l'application. En effet, le générateur de courant continu envoie des impulsions électriques d’intensité croissante (jusqu'à 16 mA). L'ampérage doit être diminué progressivement avant le retrait de la sonde. La procédure dure approximativement 10 minutes pour chaque paquet hémorroïdaire.
Ligature Doppler guidée
La ligature Doppler-guidée des artères hémorroïdales.
Bien que pratiquée sous anesthésie, cette technique peut être rapprochée des traitements
instrumentaux dans la mesure où elle se pratique en ambulatoire et ne nécessite pas d'exérèse tissulaire. Après avoir été repérées à l’aide d’un Doppler porté par un anuscope fenêtré, les artères hémorroïdales principales et secondaires sont ligaturées avec un fil résorbable ce qui entraîne un arrêt des saignements, un affaissement des paquets hémorroïdaires et une réduction du prolapsus. Il a récemment été proposé de compléter ce geste par une plicature du prolapsus assurant un repositionnement anatomique sans sacrifice tissulaire.
Efficacité des traitements instrumentaux
Peu d'études ont comparé les traitements instrumentaux entre eux. Si leur efficacité est comparable pour le traitement des rectorragies, la sclérothérapie paraît beaucoup moins efficace que la ligature élastique pour celui du prolapsus. Les patients traités par ligature élastique ont eu moins recours à d'autres techniques ultérieures que ceux traités par infrarouge ou injection sclérosante. Devant les prolapsus hémorroïdaires de grade 1 et 2, le choix est guidé par l'expertise. Pour les grades 3, les ligatures élastiques ont prouvé leur efficacité dans les trois quarts des cas, mais peuvent être à l’origine de complications dont les patients doivent être informés. Une antibioprophylaxie encadrant le geste est recommandée par accord professionnel (1). En présence d’hémorroïdes hémorragiques sans prolapsus, les traitements instrumentaux doivent être systématiquement proposés avant la chirurgie. En cas de prolapsus, chirurgie et ligature donne des résultats comparables à un an sur la symptomatologie, mais au-delà de 4 ans, les bénéfices sont supérieurs après traitement chirurgical. Si les traitements instrumentaux permettent de différer la chirurgie, aucune étude prospective randomisée au-delà de 5 ans ne permet de dégager une supériorité d'un traitement par rapport à l'autre.
D’après un entretien avec le Dr Pierre Coulom, clinique Saint Jean Languedoc, Toulouse.
(1) Abramowitz L, Godeberge Ph, Staumont G, Soudan D. Recommandations pour la
pratique clinique sur le traitement de la maladie hémorroïdaire. Gastroenterol Clin Biol
2001;25:674-702.
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