DURANT LES PREMIÈRES greffes d’intestin grêle (GIG), on décontaminait le grêle du donneur pour le débarrasser de sa flore. Aujourd’hui on préfère greffer le grêle du donneur tel quel, avec son microbiote, en raison de plusieurs avantages. Après la réalisation de la greffe on crée une iléostomie. Celle-ci a pour objectif de donner accès au site de la transplantation et de dépister éventuellement des signes de rejet. Mais elle offre aussi une occasion unique d’examiner la flore intestinale et son évolution dans le temps.
L’équipe américaine a examiné le contenu de la lumière intestinale chez 17 patients adultes ayant subi une GIG entre 2005 et 2007 au centre de transplantation de l’Université Georgetown de Washington. Les chercheurs ont pu prélever 251 échantillons de contenu d’iléon. La diversité bactérienne iléale a d’abord été évaluée en appliquant la méthode de séquençage du 16S rDNA à des échantillons prélevés entre 50 et 84 jours après la greffe chez 9 des patients sélectionnés au hasard. Quatre familles de bactéries représentaient 99,8 % des séquences bactériennes 16S rDNA : Lactobacillus, Enterobacteriaceae, Bacteroides et Clostridium. Parce que la flore iléale est composée de ces seules quatre familles, les chercheurs ont décidé d’utiliser une méthode moins coûteuse, mais aussi plus quantitative, la qPCR (PCR quantitative), pour la poursuite de leur étude.
Prédominance des lactobacilles et des entérobactéries.
Ils ont ainsi découvert une franche prédominance des lactobacilles et des entérobactéries (des anaérobies facultatifs) dans 229 échantillons prélevés après la greffe et avant la fermeture de l’iléostomie, ce qui représente une inversion de la flore normale, constituée en majorité de bactéries anaérobies strictes ( Bacteroides et Clostridium). L’analyse de 12 échantillons iléaux prélevés chez 6 patients après fermeture chirurgicale de l’iléostomie a objectivé une prédominance de bactéries anaérobies strictes sur 10 des 12 échantillons, soit un retour à la répartition habituelle de la flore.
Il était particulièrement intéressant de noter que la constitution de la flore, chez 5 sujets ayant eu une iléostomie provisoire (sans greffe), était similaire (soit prédominance d’anaérobies facultatifs) à celle découverte chez les patients greffés avant fermeture de l’iléostomie. Ce qui suggère que l’inversion de la flore observée est due à l’iléostomie, plutôt qu’à la GIG elle-même. Par ailleurs, le bouleversement de la flore ne pouvait pas non plus s’expliquer par une modification du régime ou des traitements.
L’iléostomie apparaît donc être principalement à l’origine de l’inversion de composition de la flore iléale, probablement parce qu’elle laisse entrer de l’oxygène dans un milieu normalement anaérobie (plusieurs études ont mis en évidence une pression d’oxygène très basse dans la partie distale du tube digestif). Il semble en effet que l’entrée d’oxygène à partir du port d’entrée de l’iléostomie soit suffisante, à elle seule, pour inhiber la croissance des bactéries anaérobies strictes, ce qui permet à l’autre population bactérienne (anaérobies facultatifs) de se développer à sa place. Un autre argument est en faveur du rôle de l’oxygène dans cette transition. L’étude du métabolome des populations bactériennes avant et après la fermeture de l’iléostomie indique un enrichissement en métabolites du cycle tricarboxylique de Krebs aérobique, ainsi qu’en acide lactique, au niveau des échantillons avant fermeture de la stomie.
L’inversion de flore observée jusqu’à la fermeture de l’iléostomie n’apparaît pas avoir d’effets préjudiciables, au moins à court terme, car les fonctions du grêle transplanté étaient maintenues. En revanche le retour à la flore normale après la fermeture de l’iléostomie aurait-il des effets négatifs ? Un certain nombre de septicémies mortelles ont en effet été observées au centre de transplantation de l’Université Georgetown, peu après la fermeture de la stomie. Les auteurs se demandent s’il ne faudrait pas développer d’autres méthodes, non-invasives, de surveillance du patient greffé, telles que le dosage de calprotectine dans les selles.
(1) Human gut microbiome adopts an alternative state following small bowel transplantation. Hartman AL, Lough DM, Barupal DK, Fiehn O, Fishbein T, Zasloff M, Eise JAn. Proc Natl Acad Sci USA (2009) Publié en ligne.
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