PAR LE Pr JACQUES MARESCAUX ET LE Dr BERNARD DALLEMAGNE*
L’ENDOSCOPISTE AMÉRICAIN Anthony Kalloo, de l’université Hopkins à Baltimore, a été le premier à proposer d’utiliser un gastroscope pour inciser la paroi de l’estomac, entrer dans la cavité péritonéale et y réaliser un geste chirurgical. L’idée d’une chirurgie sans cicatrice, utilisant les orifices naturels, a été dévoilée en 2000 dans une communication soumise à la Digestive Disease Week, le congrès mondial des gastro-entérologues. Cette présentation a été suivie en 2004 par une publication dans « GastroIntestinal Endoscopy » dans laquelle les auteurs rapportent la première étude sur la chirurgie intrapéritonéale sans cicatrice : une étude de survie d’animaux chez lesquels des biopsies hépatiques ont été réalisées par un abord endoscopique transgastrique (1).
Le concept.
Le but d’une chirurgie sans cicatrice est d’éliminer les complications liées aux incisions de la paroi abdominale (infection, éventration), de réduire les douleurs opératoires et postopératoires, tout en apportant un avantage esthétique, et probablement psychologique aux patients ; il est d’amplifier encore les avantages reconnus de la chirurgie laparoscopique par rapport à la chirurgie traditionnelle.
Initialement, le concept s’appuyait sur l’utilisation d’une voie transgastrique. Cette dernière a rapidement révélé des difficultés particulières liées aux possibilités d’exposition et de dissection dans des positions techniquement défavorables (rétroflexion), et la limitation des technologies actuellement disponibles pour fermer l’orifice créé dans la paroi de l’estomac.
Ces difficultés ont incité les équipes à étudier d’autres voies d’approche, d’autres orifices naturels : le vagin, le rectum, le côlon et la vessie.
De nombreuses expérimentations animales ont été décrites, avec étude de survie pour certaines d’entre elles, couvrant déjà largement le champs des interventions courantes : cholécystectomie, splénectomie, appendicectomie, annexectomie, hystérectomie, pancréatectomie, néphrectomie (2).
D’autres études se sont focalisées sur les méthodes de fermeture et les conséquences de l’ouverture d’un organe creux dans la cavité péritonéale : infection, adhérences, réponse au stress opératoire. D’une manière générale, ces travaux démontrent que cette nouvelle voie d’approche à des répercussions physiologiques comparables, voire plus avantageuses, que celles liées à la chirurgie laparoscopique (3).
Les avantages liés à l’absence d’incision et de cicatrice ne seront cependant évaluables que sur les séries cliniques qui ont débuté en 2007.
L’application clinique.
L’évaluation clinique du concept de la chirurgie par les orifices naturels doit idéalement éviter les écueils et complications potentielles liés à l’ouverture d’un organe creux dans la cavité péritonéale. Elle doit en outre tenir compte des limitations technologiques actuelles des endoscopes flexibles et des instruments chirurgicaux.
C’est dans ce cadre restrictif que la grande majorité des équipes chirurgicales impliquées a rapidement orienté une partie des travaux de recherche vers l’utilisation de la voie transvaginale. Cette approche, utilisée de longue date par les gynécologues, a des taux de complications extrêmement faibles mais n’est, par définition, applicable qu’à la moitié de la population. Après un programme expérimental soutenu, la première cholécystectomie par voie endoscopique transvaginale a été réalisée en avril 2007 par l’équipe chirurgicale du Pr Marescaux à Strasbourg (4). Cette première a permis de confirmer les limitations technologiques actuelles, et une voie hybride (adjonction d’un trocar de laparoscopie pour l’application de clips et certaines étapes de dissection) est actuellement retenue. FIGURE
D’autres équipes chirurgicales ont également opté pour cette solution « hybride », en utilisant un, voire deux trocarts additionnels (5). Après la première application chez l’homme réalisée par le Dr Swanstrom à Portland, l’équipe strasbourgeoise a achevé récemment un protocole d’étude de 10 cholécystectomies par voie endoscopique transgastrique. Pour des raisons évidentes de sécurité, une voie hybride (1 trocart de 5 mm dans l’ombilic) a été utilisée pour contrôler, à l’aide d’un laparoscope, l’incision de la paroi gastrique et sa fermeture ainsi que pour appliquer les clips sur les éléments du pédicule cystique.
Les résultats immédiats de l’une et l’autre approche sont satisfaisants, avec une diminution des douleurs postopératoires comparativement à la laparoscopie. Les séries cliniques sont cependant très réduites et aucune conclusion ne peut être tirée actuellement.
Le futur.
Le futur de la « Natural orifice transluminal endoscopic surgery » (NOTES) est fondamentalement lié au développement de technologies qui doivent permettre à l’opérateur de visualiser correctement les structures, les exposer, les rétracter, les sectionner et les suturer. Il est également nécessaire d’évaluer les interventions chirurgicales susceptibles d’être transposables, voire de développer de nouveaux concepts de traitement. Le challenge est énorme et les services de recherche et développement font appel à toutes les compétences, chirurgiens, endoscopistes, roboticiens, informaticiens.
Si le concept prouve sa rationalité, il engendrera très vraisemblablement une profonde modification du paysage chirurgical, de ses acteurs et de leur environnement.
*IRCAD – EITS, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg.
Références
(1) Kalloo AN, Singh VK, Jagannath SB, et coll. Flexible transgastric peritoneoscopy: a novel approach to diagnostic and therapeutic interventions in the peritoneal cavity. Gastrointest Endosc 2004; 60(1): 114-7.
(2) Flora ED, Wilson TG, Martin IJ, et coll. A review of natural orifice translumenal endoscopic surgery (NOTES) for intra-abdominal surgery: experimental models, techniques, and applicability to the clinical setting. Ann Surg 2008; 247(4): 583-602.
(3) McGee MF, Schomisch SJ, Marks JM, et coll. Late phase TNF-alpha depression in natural orifice translumenal endoscopic surgery (NOTES) peritoneoscopy. Surgery 2008; 143(3):318-28
(4) Marescaux J, Dallemagne B, Perretta S, et al. Surgery without scars: report of transluminal cholecystectomy in a human being. Arch Surg 2007; 142(9): 823-6.
(5) Bessler M, Stevens PD, Milone L, et coll. Multimedia article: Transvaginal laparoscopic cholecystectomy: laparoscopically assisted. Surg Endosc 2008; 22(7): 1715-6.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?