D’UNE PIERRE, deux coups. Non contents d’avoir identifié une nouvelle cible dans l’infection à VHC, le Pr Thomas Baumert et ses collègues de l’unité INSERM U748 à Strasbourg, proposent dans la foulée un candidat médicament pour passer sans attendre à la recherche clinique. « L’originalité de notre travail est de proposer un concept nouveau dans l’infection à VHC, explique pour « le Quotidien » le Pr Baumert, chercheur et gastro-entérologue d’origine allemande ayant effectué une partie de sa carrière aux États-Unis. Notre équipe fait partie des pionniers, qui travaillent depuis 2-3 ans à caractériser l’entrée du VHC dans les hépatocytes. C’est ainsi qu’en collaboration avec les équipes de l’IGBMC Strasbourg, les universités de Lyon, Birmingham, Glasgow, Fribourg, Hanovre, Boston et Harvard Boston et le soutien de l’ANRS, nous avons identifié une nouvelle cible thérapeutique contre l’infection : les kinases ». Malgré les énormes progrès réalisés ces dernières années contre l’infection à VHC, le développement de nouveaux médicaments reste un enjeu de la recherche en raison des résistances et des effets secondaires des traitements.
Coup de projecteur sur deux kinases
Les chercheurs de l’INSERM ont ainsi mis en évidence le rôle déterminant de deux kinases dans les premières étapes de l’infection virale : l’EGFR et l’EphA2. Ces deux enzymes sont exprimées à la surface des hépatocytes et facilitent l’assemblage des récepteurs du virus, formant alors un « complexe de récepteurs ». « Pour les identifier, nous avons réalisé un criblage des hépatocytes par ARN interférents, explique le chercheur. Sur les 58 kinases retrouvées, deux parmi elles ont retenu notre attention. Inconnus jusqu’à présent, ces co-facteurs de l’hôte facilitent la pénétration du virus dans la cellule ».
Et là, « coup de bol ». Il existe déjà sur le marché des molécules inhibant les kinases, l’erlotinib, un inhibiteur de l’EGFR, et le dasatinib, un inhibiteur de l’EphA2. L’erlotinib est administré en clinique depuis près de 5 ans maintenant dans le traitement du cancer du poumon. « L’existence de ces inhibiteurs de kinases nous a fait gagner beaucoup de temps », précise le Pr Baumert. Il ne restait plus ensuite aux chercheurs qu’à tester l’efficacité de ces inhibiteurs et d’autres ligands spécifiques, les anticorps anti-claudine, in vitro et dans un modèle murin. Les doses du médicament étaient calquées sur celles administrées dans les modèles animaux de cancer du poumon, quoique très légèrement plus élevées.
Associer pour l’éradication
Et les résultats sont très encourageants. « L’erlotinib a permis de diminuer la charge virale d’un facteur 10 (log) », précise le Pr Baumert. Ce qui signifie aussi que les inhibiteurs des kinases ne sont pas suffisants seuls. « Comme pour le VIH, on a tout à gagner à donner plusieurs antiviraux en association, précise le chercheur. Avec comme objectif d’obtenir la guérison, la combinaison permettrait non seulement d’éradiquer le virus mais également d’éviter les résistances. Les inhibiteurs de kinase ont un mode d’action différent et complémentaire des antiviraux existants. C’est une nouvelle classe pharmacologique, qui fait ainsi son apparition au sein de l’arsenal anti-VHC, aux côtés des cytokines, des antiprotéases et des antipolymérases ».
L’équipe INSERM de Strasbourg projette de lancer une étude de phase 1 en fin d’année. « Les résultats sont suffisamment robustes pour inclure des patients résistants mais aussi des patients naïfs de tout traitement, explique le Pr Baumert. L’objectif premier est d’évaluer la toxicité de l’erlotinib seul. Dans les phases suivantes, nous préciserons son efficacité en l’associant à d’autres antiviraux ». L’équipe prévoit d’affiner la classe médicamenteuse en développant des molécules encore plus ciblées sur le VHC. « Nous sommes très optimistes, s’enthousiasme le scientifique. Nos découvertes ouvrent des perspectives à la fois pour le traitement et la prévention. L’ensemble des approches thérapeutiques permettra dans le futur de venir à bout du virus et de guérir l’infection ».
Nature Medicine, publié en ligne le 24 avril 2011. doi:10.1038/nm.2341.
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