« SI LES NOUVEAUX traitements biologiques par anticorps anti-TNF alpha ont prouvé leur grande efficacité dans la maladie de Crohn, beaucoup de questions restent en suspens concernant leur utilisation, explique au « Quotidien » le Dr Jean-Frédéric Colombel, gastro-entérologue au CHRU Claude-Huriez de Lille, l’un des trois auteurs de l’essai SONIC, une étude comparant l’efficacité de l’infliximab, seul ou en associé à de l’azathioprine (, au traitement classique par azathioprine seule chez des patients en échec d’une première ligne par corticoïdes ou aminosalicylés (5-ASA) et n’ayant jamais reçu d’immunomodulateurs auparavant. Quand débuter les anti-TNF alpha ? Comment les utiliser par rapport aux immunomodulateurs conventionnels ? Faut-il les proposer avant, après voire en association d’emblée ? Combien de temps faut-il traiter ? Notre étude SONIC montre qu’il est bénéfique d’opter pour une stratégie intensive en débutant les biothérapies plus précocement que ce qui est recommandé actuellement, c’est-à-dire après échec des immunosuppresseurs classiques. L’efficacité est apparue supérieure dans les deux bras infliximab par rapport au traitement classique par azathioprine. Ce à quoi nous nous attendions moins, c’est que l’efficacité maximale était obtenue pour l’association infliximab et azathioprine. »
Rémission clinique.
L’essai SONIC a ainsi inclus 508 patients naïfs de tout traitement immunomodulateur. Les participants étaient randomisés en double aveugle dans trois bras : soit le bras capsules d’azathioprine (AZA) 2,5 mg/kg + perfusions placebo, soit le bras perfusions d’infliximab (IFX) 5 mg/kg + capsules de placebo, soit le bras perfusions IFX 5 mg/kg + capsules AZA 2,5 mg/kg. Le traitement était administré jusqu’à la 30e semaine, de façon journalière pour l’AZA, aux semaines 0, 2 et 6, puis toutes les huit semaines pour les perfusions. Le critère principal de jugement était la rémission clinique sans corticoïdes à la semaine 26. Un suivi en double aveugle était assuré jusqu’à la semaine 50.
Les gastro-entérologues du groupe SONIC ont observé 56,9 % de rémission sans corticoïdes à la semaine 26 dans le groupe association, 44,4 % dans le groupe IFX seul et 30,0 % dans le groupe AZA. « De plus, l’efficacité à la semaine 26 était confirmée par la cicatrisation endoscopique, poursuit le Dr Colombel. Si c’est un critère secondaire dans l’étude, les gastro-entérologues visent de plus en plus la restitution ad integrum de la muqueuse intestinale. »
CRP et endoscopie.
Alors faut-il proposer une biothérapie à tous les patients en échec d’une première ligne de traitement ? « La réponse est probablement non, modère le gastro-entérologue lillois. Certains patients peuvent présenter des signes persistants d’activité clinique sous corticothérapie, sans avoir pour autant une poussée inflammatoire avérée. Dans ces cas, il ne sert à rien de proposer un traitement par anti-TNF alpha. Il faut qu’il existe des signes objectifs d’inflammation. En post hoc, nous avons pu identifier des critères de sélection des patients : l’endoscopie et la CRP. Ces deux éléments seraient prédictifs des patients de mauvais pronostic. Par exemple, un patient jeune, ayant une forme étendue, touchant le grêle et le côlon, avec des ulcères sévères et un gros syndrome inflammatoire, il semble légitime de le traiter d’emblée par anti-TNF alpha ».
Prudence.
Dans les cas où une biothérapie peut être proposée, faut-il alors préférer le schéma combiné, plus efficace ? « Même si cet élément n’est pas ressorti dans l’étude, les traitements combinés exposent à un surrisque d’infections, met en garde le Dr Colombel. Le traitement combiné semble particulièrement indiqué dans les cas sévères avec forte poussée inflammatoire.De plus, de très rares cas de lymphomes T hépatospléniques ont été décrits chez des hommes jeunes. Chez les sujets masculins âgés entre 20 et 40 ans, il semble ainsi préférable de se contenter d’une monothérapie. La décision doit être individuelle dans tous les cas. »
N Engl J Med, 362; 15, 1383-1395, 15 avril 2010.
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