Aujourd’hui, l’hépatite E est la première cause d’hépatite virale aiguë dans le monde et notamment en France. « Elle est plus fréquente que l’hépatite A. Ainsi, en cas d’hépatite aiguë, il faut systématiquement rechercher en première intention le virus de l’hépatite E (VHE) », souligne le Pr Jean-Marie Péron (CHU de Toulouse). D’après les dernières données publiées en 2019, 2 600 cas étaient diagnostiqués par an et dans 97 %, il s’agissait de cas autochtones.
La séroprévalence de l’infection (anticorps IgG anti-VHE) est en moyenne de 22 % chez les donneurs de sang français. Cependant, trois zones se distinguent par des prévalences plus élevées : le Sud-Ouest, avec Toulouse et le département de l’Ariège (séroprévalence de 86 %), le Sud-Est et le Nord-Est avec l’Alsace.
« En fait, si on fait la recherche du VHE directement dans le sang, on s’aperçoit qu’un donneur de sang sur 800 est virémique », précise le Pr Péron. Le virus est très présent en France, mais très peu de cas sont symptomatiques.
Il existe un risque potentiel de transmettre le virus par transfusion. « Le dépistage systématique chez les donneurs de sang (réalisé dans plusieurs pays européens) n’est pas envisagé en France, car très peu d’hépatites graves ont été constatées après transfusion, ajoute le Pr Péron. En revanche, en cas d’hépatite aiguë après transfusion, il faut absolument se poser la question de l’hépatite E. »
Mais le principal mode de transmission est de type zoonotique, il se propage essentiellement en France par la consommation de viande de porc (ou de sanglier) peu cuite, comme du foie.
Des populations à risque
Des formes graves d’hépatite virale E peuvent survenir chez les patients ayant une cirrhose (risque d’hépatite fulminante), chez les immunodéprimés (hépatite chronique et risque de cirrhose secondaire), ainsi que chez les femmes enceintes (risque d’hépatite fulminante et de perte de l’enfant). « Ce risque chez les femmes enceintes a été décrit en Asie (en Inde notamment), mais pas en France. Cela est-il dû au génotype du virus ? On peut se le demander, car en France, on trouve le génotype 3 alors qu’en Asie, il s’agit surtout du génotype 1 », explique le Pr Péron. Il est donc recommandé pour ces trois groupes de patients, ayant un risque majoré de forme grave d’hépatite E, d’éviter de consommer tout produit de charcuterie crue à base de foie de porc.
Des atteintes neurologiques spécifiques
L’hépatite E est asymptomatique ou paucisymptomatique dans plus de 95 % des cas et guérit sans traitement. Les rares formes symptomatiques apparaissent principalement chez des hommes de 50 ans d’âge médian. Une hospitalisation est nécessaire dans 75 % des cas environ : 40 % des patients atteints présentent un ictère et 16 % ont des atteintes neurologiques. « Cela n’est pas encore très connu, mais le VHE a un potentiel de troubles neurologiques (syndrome de Parsonage-Turner ou de Guillain-Barré, mono ou multinévrites…) que n’ont pas les autres virus des hépatites. Ainsi, en cas d’apparition de ces syndromes, il est conseillé de rechercher le VHE », recommande le spécialiste.
Le diagnostic de l’hépatite E repose sur la sérologie. Chez les patients immunocompétents, la détection d’immunoglobulines spécifiques de type IgM et l’élévation des transaminases suffisent pour poser le diagnostic. Chez les patients immunodéprimés, le virus est détecté directement dans le sang par PCR.
L’espoir d’un vaccin
Il n’existe pas de traitement spécifique en cas d’hépatite E aiguë : les anticorps synthétisés par la personne infectée suffisent à faire disparaître le virus. « En cas d’infection chronique, chez les sujets immunodéprimés, la ribavirine peut être prescrite sur une durée de trois mois. Mais actuellement, elle n’est plus disponible… Un vaccin antihépatite E existe depuis 2011 en Chine, mais il reste non disponible en Europe. Il est efficace sur les génotypes 1 et 4. On manque de données sur les autres génotypes. Mais ce vaccin est porteur d’espoir, pour protéger à l’avenir les patients les plus à risque », conclut le Pr Péron.
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