Pour la première fois, des recommandations francophones sur la prise en charge des maladies du foie liées à l’alcool ont été élaborées. Publiées dans « Liver International », elles sont le fruit de la collaboration entre la Société française d’hépatologie (Afef) et la Société française d’alcoologie (SFA).
En France, la consommation d’alcool est la principale cause des maladies hépatiques. Les maladies du foie liées à l’alcool sont de trois types : stéatose, fibrose (pouvant mener à la cirrhose) et hépatite alcoolique. Le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc) a enregistré 3 614 décès dus à une cirrhose liée à l’alcool en 2016 (2 715 chez les hommes et 899 chez les femmes), rappellent les auteurs en préambule.
« Il existe des recommandations anglophones, mais elles ne prennent pas en compte les spécificités françaises, comme les équipes de liaison en alcoologie qui permettent à des équipes en addictologie de prendre en charge des patients suivis dans d’autres services », explique le Pr Alexandre Louvet du service des maladies de l’appareil digestif de l’hôpital Huriez de Lille, premier auteur.
Ces nouvelles recommandations se déclinent en huit chapitres : 1. Comment détecter une consommation excessive d’alcool en médecine générale et en consultation spécialisée ; 2. Profil de consommation, binge drinking et foie ; 3. Prise en charge de la réduction des risques selon la présence ou l’absence de cirrhose ; 4. Prise en charge médicale des troubles liés à la consommation d’alcool en cas de maladie hépatique avancée ; 5. Diagnostic invasif et non invasif de la fibrose et de la stéatose dans les maladies hépatiques liées à l’alcool ; 6. Maladies hépatiques liées à l’alcool et comorbidités ; 7. Dépistage des maladies hépatiques liées à l’alcool dans la population générale ;
8. Hépatite alcoolique.
Mieux étudier le binge drinking
Le binge drinking doit en particulier être recherché chez les adolescents et les jeunes adultes. Les auteurs recommandent d’informer la population générale des risques associés à cette pratique, « notamment en termes de morbimortalité cardiovasculaire et de blessures physiques et psychiques ». « Il est également probable que la pratique du binge drinking soit néfaste pour le foie, mais ce risque a malheureusement été peu étudié, notamment car la définition du binge drinking n’est pas unanime », précise le Pr Louvet. Les recommandations insistent sur le fait que c’est principalement la consommation quotidienne qui est néfaste pour le foie et définissent les seuils de consommation à moindre risque.
Repérer pour mieux prendre en charge
La question du repérage en population générale est un enjeu majeur de santé publique et représente le point principal de ces recommandations. « Que ce soit en consultation de médecine générale ou spécialisée, la discussion sur la consommation d’alcool doit faire partie intégrante de l’interrogatoire pour tous les patients », souligne le Pr Louvet. Pour évaluer la dépendance à l’alcool, le recours au questionnaire Audit est préconisé.
Pour aider les praticiens et les autorités de santé à identifier les personnes atteintes d’une maladie hépatique avancée liée à l’alcool dans la population générale, plusieurs critères ont été définis : âge ≥ 40-45 ans avec un score Audit identifiant une consommation à risque et/ou une consommation ≥ 14 verres standards par semaine.
« Lorsqu’une maladie hépatique liée à l’alcool est mise en évidence, la prise en charge doit être centrée sur le foie, mais aussi sur la consommation d’alcool dans une approche multidisciplinaire », insiste le Pr Louvet. En particulier, chez les patients atteints de cirrhose ou de carcinome hépatocellulaire, la consommation d’alcool doit être arrêtée totalement pour limiter le risque de surmortalité. Les auteurs considèrent que de nouvelles études sont nécessaires pour évaluer les effets d’une faible consommation d’alcool sur le pronostic de ces patients.
La prise en charge médicamenteuse pour aider à l’arrêt de l’alcool en cas de maladie hépatique est détaillée. En particulier, le sevrage en alcool symptomatique repose sur un traitement aux benzodiazépines jusqu’à la disparition des symptômes.
Des recommandations centrées sur le niveau de preuve
D’autres aspects de la prise en charge sont précisés, comme l’évaluation de la fibrose, avec à chaque fois le niveau de preuve correspondant.
Lorsque le niveau de preuve n’est pas suffisant du fait du manque de données, les auteurs ont rédigé des avis d’experts. C’est le cas concernant le cannabis. « Peu de données sont disponibles sur les conséquences néfastes du cannabis sur le foie chez des patients atteints de maladies hépatiques liées à l’alcool. Nous recommandons donc de promouvoir la recherche sur ce sujet pour mieux comprendre le potentiel surrisque que cela représente », rapporte l’hépatologue.
A. Louvet et al., Liver Int., avril 2022. doi: 10.1111/liv.15221.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?