LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN - Le plan 2009-2012 est le quatrième plan national d’actions de lutte contre les hépatites lancé depuis 1999. Quelles en sont les grandes lignes ?
Pr DIDIER HOUSSIN - Même si des progrès importants ont été accomplis au cours des dernières années, la situation épidémiologique de l’infection en France justifie que les efforts soient poursuivis. En particulier, on compte aujourd’hui 500 000 adultes porteurs du virus de l’hépatite B ou C, environ 280 000 pour le VHB et 220 000 pour le VHC. L’infection touche particulièrement les populations en situation de précarité, les usagers de drogue, les détenus, les migrants originaires de pays de forte endémie. Les hépatites sont responsables d’un nombre important de décès, environ 4 000 par an, avec un risque particulier de transmission de la mère à l’enfant, essentiellement pour l’hépatite B. L’objectif du nouveau plan est de réduire la circulation du virus et cela passe par des mesures de prévention, d’information et de communication, notamment en direction des plus précaires. Un des points centraux concerne la vaccination contre l’hépatite B.
Après la publication dans « Neurology » des résultats de l’étude du Pr Marc Tardieu, le HCSP (Haut Conseil de la santé publique) a réaffirmé la nécessité d’une augmentation de la couverture vaccinale. Toutefois, les polémiques suscitées par cette publication ne rendent-elles un tel objectif difficile à atteindre ?
La question est de savoir pourquoi un tel climat de méfiance existe en France et cela concerne autant le grand public que les professionnels de santé eux-mêmes. Cette situation, particulière à notre pays, n’existe pas ailleurs, ni en Italie, où le virus est encore plus présent qu’en France, ni aux États-Unis, où la prévalence est la même. Avec le comité stratégique piloté par le Pr Daniel Dhumeaux, qui a élaboré ce plan en collaboration avec la DHOS, la DGS et les agences, nous sommes conscients que le rétablissement de la confiance, d’abord celle des médecins, constitue un des enjeux à venir. Nous allons mettre l’accent sur les bénéfices de l’immunisation. Les travaux de l’InVS ont bien montré qu’une couverture vaccinale élevée chez l’enfant et l’adolescent - et cela a été le cas chez entre 1994 et 1997 - avait permis d’éviter environ 20 000 nouvelles infections, 8 000 hépatites aiguës, 800 infections chroniques et 40 hépatites fulminantes. Avec la couverture vaccinale actuelle, trop faible, le risque est de les voir réapparaître dans les prochaines années.
Concrètement, comment allez-vous faire pour rétablir la confiance ?
Des actions d’information vont être menées, grâce à l’INPES (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé), en direction des professionnels de santé mais aussi du public, notamment des parents de jeunes enfants.
La vaccination des professionnels de santé, elle non plus, n’est pas optimale. Que prévoit le plan ?
C’est aussi un élément très important du plan. La vaccination obligatoire des professionnels de santé et de ceux qui y sont assimilés va faire l’objet de fortes recommandations et d’une série d’évaluations. Là aussi, il faut mettre l’accent sur les bénéfices liés à cette vaccination contre l’hépatite B. J’en parle en connaissance de cause. J’ai été greffeur du foie et je me souviens de Jean-Pierre Benhamou en 1981 ou 1982, au moment où les premiers vaccins contre le VHB ont été mis sur le marché, recommandant aux chirurgiens qui pratiquaient ces greffes de se faire vacciner car ils étaient particulièrement exposés. Je lui en ai toujours été extrêmement reconnaissant. À l’époque, beaucoup de malades étaient porteurs du virus et de nombreux professionnels ont été protégés grâce à la vaccination. J’ai à ce propos le souvenir d’un jeune chirurgien, chef de clinique dans l’équipe de Cabrol et qui donnait des cours d’anatomie à la fac lorsque j’étais étudiant en médecine. C’était un type formidable, un enseignant enthousiasmant. Un jour, nous avons appris qu’il s’était fait piquer lors d’une intervention et souffrait d’une hépatite grave. Il en est mort. J’en avais été très marqué. La vaccination, de même que le renforcement de la transmission du virus lors des actes de soins, a permis de voir disparaître ce type de situation.
En dehors de la vaccination contre l’hépatite B, quels sont les autres enjeux du plan ?
La qualité et la pratique du dépistage doivent être améliorées. Les antiviraux, aujourd’hui très efficaces, permettent d’espérer une guérison dans près la moitié des cas d’hépatite C et une rémission dans près de 80 % des cas d’hépatite B. Comme pour le VIH, il est essentiel que les traitements soient mis en uvre le plus tôt possible, afin d’éviter l’évolution vers une cirrhose par exemple. Une série d’initiatives visent à améliorer le recours au dépistage, en particulier des populations les plus exposées. De très gros efforts restent à faire, en particulier en milieu carcéral. On y travaille avec la direction de l’administration pénitentiaire et avec les associations. Les médecins libéraux auront un rôle important à jouer dans le dépistage mais aussi la prise en charge des hépatites B et C.
Pouvez-vous préciser ?
Il existe maintenant de nouvelles méthodes peu invasives d’évaluation de la maladie, en particulier de la fibrose hépatique. L’idée est d’améliorer le parcours de soins et de limiter la prise en charge hospitalière aux cas qui réellement le nécessitent. La médecine de ville, le médecin traitant mais aussi les spécialistes, les hépato-gatro-entérologues, auront un rôle clef dans la mise en uvre des actions de dépistage, dans la mise en uvre des thérapeutiques puis dans l’appréciation de l’évaluation de la gravité ou pas de l’atteinte hépatique. Dans le cas de l’hépatite C, une attention particulière devra être portée aux conséquences psychologiques et psychiatriques. Des actions d’information et de sensibilisation seront menées auprès des médecins et des psychiatres.
Dans le cas de la prévention de la transmission mère/enfant, des mesures sont-elles prévues ?
La recommandation actuelle est très claire. Si une femme enceinte est dépistée Ag HBS positif, l’administration de globulines et la vaccination du nouveau-né doivent être réalisées dans les premières heures qui suivent la naissance. Vraisemblablement, dans un certain nombre de cas, ces mesures ne sont pas respectées. Cela fait partie des évaluations prévues dans le plan. La prévention chez les usagers de drogues et les stratégies de réduction des risques seront également évaluées, tout comme le sera la couverture vaccinale contre l’hépatite B.
Exergue
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