L’infection chronique par le virus de l’hépatite B (VHB) constitue un problème de santé mondial majeur, avec environ 1,5 million de nouvelles infections et 820 000 décès chaque année, principalement dus à une cirrhose et au carcinome hépatocellulaire (1). « Nous avions estimé en 2016, via l’observatoire Polaris, qu’environ 291 millions de personnes étaient infectées par le VHB, défini par le portage de l’antigène de surface de l’hépatite B (AgHBs), détaille le Pr Tarik Asselah (hôpital Beaujon, Clichy) et responsable de l’équipe Hépatites virales à l’Inserm-UMR 1149. Parmi ces infections, environ 29 millions (10 %) ont été diagnostiquées. Seuls 4,8 des 94 millions de personnes éligibles (5 %) avaient reçu un traitement antiviral (2). En France, on compte entre 200 000 et 300 000 porteurs chroniques du VHB, dont 5 % sont co-infectés par le VHD. »
L’objectif du traitement est d’obtenir une guérison fonctionnelle, c’est-à-dire une perte à long terme de l’AgHBs, avec ou sans séroconversion (apparition des anticorps anti-HBsAg [anti-HBs]) et un ADN du VHB indétectable de manière durable après l’arrêt du traitement. Malgré un traitement à vie avec des analogues nucléosidiques (entécavir ou ténofovir en France), moins de 5 % des patients présentent une disparition de l’AgHBs, d’où la nécessité de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques à visée curative.
Des molécules aux modes d’action innovants sont actuellement testées : il s’agit soit de bloquer le virus (au moyen d’antiviraux d’action directe), soit de stimuler le système immunitaire (immunomodulateurs) afin qu’il élimine les hépatocytes infectés, et même de combiner ces modes d’action. « Les antiviraux à action directe contre le VHB en développement comprennent des inhibiteurs d’entrée, des modulateurs d’assemblage de capside, des médicaments ciblant l’ADNccc ou l’ARN du VHB, et les inhibiteurs de sécrétion de l’HBsAg (3) », énumère le Pr Asselah.
Le bépirovirsen en tête
De nombreux protocoles thérapeutiques sont en phase 1, 2 et même 3, dont ceux fondés sur des petits ARN interférents (siARN). Parmi les recherches plus avancées, une publication de décembre 2022 concernait le bépirovirsen, testé dans un large essai de phase 2b incluant 457 patients recrutés notamment par plusieurs centres français (4). Cette molécule est un oligonucléotide anti-sens qui cible l’intégralité des messagers du VHB afin de diminuer les niveaux de protéines virales. Le protocole (une injection de 300 mg sous-cutanée hebdomadaire pendant 24 semaines) a entraîné une perte prolongée de l’AgHBs et un ADN du VHB indétectable chez 9 à 10 % des participants atteints d’une infection chronique par le VHB.
Les événements indésirables, y compris les réactions au site d’injection, la fièvre, la fatigue et l’augmentation des taux d’alanine aminotransférase, étaient plus fréquents avec le bépirovirsen qu’avec le placebo ; cependant, ils étaient minimes, et la tolérance a été jugée satisfaisante.
Selon les auteurs, l’activité du bépirovirsen peut être médiée par le toll-like receptor 8 ; ce mode d’action pouvant expliquer les différences observées par rapport aux autres nouvelles thérapies contre le VHB. Des essais de plus grandes cohortes et de durée supérieure sont nécessaires pour évaluer l’efficacité et l’innocuité du bépirovirsen.
Des études sont aussi en cours, qui l’associent à d’autres thérapies (inhibiteurs d’entrée, anti-sens, immunomodulateurs, vaccins thérapeutiques, etc.), pour permettre à davantage de patients d’obtenir une guérison fonctionnelle.
« L’intérêt dans la recherche contre l’hépatite B est renouvelé, s’enthousiasme le Pr Asselah, porté par la grande prévalence mondiale du VHB, la préoccupation envers les maladies infectieuses, réactivée par la pandémie de Covid-19, et par le dynamisme de la recherche en Asie, en Amérique du Nord et en Europe. »
Il faut aussi rappeler qu’un nouveau traitement contre l’hépatite chronique D, un inhibiteur d’entrée, le bulévirtide, a reçu l’autorisation conditionnelle de mise sur le marché par l’Agence européenne des médicaments (5).
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91 % de couverture vaccinale
L’obligation vaccinale pour tout enfant né à partir du premier janvier 2018 a permis d’obtenir un taux de couverture vaccinale contre le VHB de l’ordre de 91 % (nourrissons nés en 2021 ayant reçu trois doses – estimation à 21 mois – du vaccin hexavalent), sauf en Île-de-France, en Guadeloupe et à La Réunion (1). Ces résultats dépassent les directives de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sans toutefois atteindre les 95 % préconisés pour la région Europe. D’ici à dix ans, les adolescents entrant dans la vie sexuelle devraient donc bénéficier d’une excellente couverture vaccinale contre le VHB.
(1) Tamandjou C et al. Bull Épidémiol Hebd. 2023;(15-16):311-7
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(1) Organisation mondiale de la santé. Hépatite B. 24 juin 2022 (2) The Polaris Observatory Collaborators. Lancet Gastroenterol Hepatol. 2018 Jun;3(6):383-403 (3) Asselah T et al. Lancet Gastroenterol Hepatol. 2019 Nov;4(11):883-92 (4) Yuen MF et al. N Engl J Med. 2022 Nov 24;387(21):1957-68 (5) Asselah T et al. N Engl J Med. 2023 Jul 6;389(1):58-70
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