DE NOTRE CORRESONDANTE
LA TRANSPLANTATION hépatique, seul traitement efficace en cas d’insuffisance hépatique sévère, est fortement limitée par la pénurie d’organes disponibles. Chaque année, 4 000 patients en attente de greffe hépatique meurent aux États-Unis, faute d’organe.
Pour remédier à la pénurie d’organes, l’ingénierie tissulaire est un domaine en plein essor. Toutefois, la reconstitution d’un organe aussi complexe que le foie, ou chaque cellule est une usine métabolique nécessitant d’être en contact direct permanent avec le système vasculaire, représente un véritable défi.
Une équipe dirigée par le Dr Korkut Uygun du Massachusetts General Hospital (Boston) a développé une approche qui consiste à prendre un foie du grand pool d’organes inutilisables pour la transplantation (par exemple de donneurs morts par arrêt cardiaque), créer une matrice décellularisée, puis l’essaimer avec des cellules.
Décellularisation puis recellularisation.
Les chercheurs ont repris et perfectionné une méthode de décellularisation utilisée récemment par une autre équipe de Boston pour détruire les cellules d’un cœur du rat et reconstituer un cœur bioartificiel (Ott et coll., Nature Medicine, 14 février 2008).
Uygun et coll. ont ainsi décellularisé des foies ischémiques de rat, en perfusant dans la veine porte un agent détergent (SDS) qui lyse les cellules et solubilise les composants cytoplasmiques. Il apparaît que la méthode préserve à la fois la structure lobulaire du foie et sa matrice extracellulaire, ainsi que le réseau microvasculaire fonctionnel.
Les chercheurs ont ensuite développé un protocole pour recellulariser la matrice hépatique in vitro, en administrant par la veine porte quelque 50 millions d’hépatocytes de rat, en 4 injections à 10 minutes d’intervalle. Les greffons recellularisés sont fonctionnels, sécrétant de l’albumine, synthétisant l’urée et exprimant le cytochrome P450 de façon similaire à un foie normal in vitro.
Enfin, ils montrent qu’il est possible de transplanter ces greffons revascularisés chez le rat, en préservant la structure et la fonction des hépatocytes pendant plusieurs heures, avec peu de lésions ischémiques.
« Nous avons démontré qu’il est possible, à partir de foies inutilisables, de créer un échafaudage décellularisé, de l’essaimer avec des cellules, et de transplanter ces greffons », explique au « Quotidien » le Dr Korkut Uygun. « En résumé, c’est le premier pas vers une nouvelle approche pour traiter l’insuffisance hépatique. »
Peut-être dans cinq à dix ans chez l’homme.
« Un greffon hépatique qui reste viable à long terme pourrait être utilisé pour remplacer ou venir en complément de la transplantation. Il pourrait être utilisé également comme substitut temporaire pour traiter les patients en insuffisance hépatique aiguë (par exemple liée à une toxicité médicamenteuse) ou les patients atteints d’un cancer du foie qui requièrent une large exérèse du foie. »
« Il est difficile de savoir quand nous pourrons réaliser cela chez l’homme, poursuit le chercheur ; si tout continue d’aller bien, peut-être dans cinq à dix ans, mais je ne promets rien. »
« Nos prochains objectifs seront de chercher à savoir si les greffons revascularisés chez l’animal apportent des bénéfices thérapeutiques à long terme ; nous voulons aussi voir si nous pouvons repeupler les matrices avec des cellules souches - ou cellules progénitrices -, ce qui serait évidemment intéressant puisque cela permettrait de recréer l’organe entier in vitro. »
« Je pense que c’est un accomplissement majeur pour l’ingénierie tissulaire du foie », souligne le Dr Korkut Uygun. « Nous avons développé une plate-forme de base pour réaliser ce qui n’était pas possible auparavant à cette échelle ; cependant, nous avons encore devant nous beaucoup de travail à faire. »
Nature Medicine 13 juin 2010, Uygun et oll; doi 10.1038/nm.2170).
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