CONTRAIREMENT à certaines idées reçues, dans la population générale, mais aussi chez certains professionnels de santé, l’hépatite B n’est ni une affection « exotique », ni une maladie bénigne. Deux notions essentielles pour asseoir les messages de prévention. En France, la prévalence du portage chronique de l’AgHBs est de 0,65 % de la population, soit 281 000 personnes. On déplore encore 2 300 à 3 000 cas d’hépatite aiguë, avec un risque non négligeable d’hépatite fulminante, et 1 400 décès par an. Au niveau mondial, l’hépatocarcinome dû au virus de l’hépatite B (VHB) est la deuxième cause de mortalité par cancer. Or, dans les pays les plus touchés, notamment en Asie, la vaccination systématique des nourrissons a permis d’éradiquer le cancer du foie chez les jeunes.
Le vaccin a en effet largement démontré son efficacité. « Quant au débat sur ses liens avec la sclérose en plaques, il est clos », estime le Dr Pierre Broué. En effet, toutes les études ont apporté la preuve que ce vaccin n’est ni en cause dans la survenue de maladies démyélinisantes, ni responsable de poussée de sclérose en plaques (SEP). Le suivi d’une cohorte d’enfants et d’adolescents atteints de SEP, par l’équipe du Pr Marc Tardieu à l’hôpital de Bicêtre, a montré qu’il n’y avait pas de relation entre vaccin VHB et poussée de SEP (1), ni de relation entre une deuxième poussée de SEP et la vaccination (2). « La polémique qui a abouti à l’arrêt de la vaccination systématique des adolescents est née d’un biais statistique dû à la vaccination massive de jeunes adultes à l’âge d’apparition des premiers symptômes de SEP », rappelle le Dr Broué.
La désaffection qui s’en est suivie dans notre pays va très probablement entraîner, dès cette année, une augmentation des hépatites aiguës chez les jeunes n’ayant pas été vaccinés et arrivant à l’âge des premiers rapports sexuels.
Un message clair.
Après une période de « flottement », pendant laquelle les autorités sanitaires n’ont pas donné de recommandations précises, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a émis un avis sans ambiguïté en octobre 2008 : considérant que « l’hépatite B est un problème de santé publique en France » et qu’il n’y a « pas de lien scientifique entre vaccination anti-hépatite B et maladie démyélinisante », le HCSP « recommande le renforcement de la politique de vaccination des nourrissons, des adolescents et des groupes à risque. » Le calendrier vaccinal 2009 (BEH n°16/17 du 20 avril 2009) insiste sur la possibilité d’opter pour le vaccin hexavalent pour les nourrissons dont les parents préfèrent que la vaccination contre l’hépatite B soit faite en même temps que les autres vaccins, mais aussi sur la vaccination de rattrapage chez les adolescents : « tout enfant âgé de moins de 16 ans, non antérieurement vacciné, devrait se voir proposer la vaccination contre l’hépatite B à l’occasion d’une consultation médicale ou de prévention. » Pour les jeunes de 11 à 15 ans révolus, deux schémas vaccinaux sont possibles :
- le schéma classique à 3 doses (0-1-6) ;
- un schéma à 2 doses avec un des deux vaccins ayant l’AMM pour cette indication (Engerix B20 ou Genhevac B 20) en respectant un intervalle de 6 mois entre les deux doses et en l’absence de risque élevé d’infection par le virus de l’hépatite B dans les six mois séparant les deux injections.
Bien que le calendrier vaccinal ne le précise pas, il semble raisonnable de proposer aussi la vaccination aux adolescents plus âgés et aux jeunes adultes qui n’auraient pas été vaccinés, estime le Dr Broué.
Le calendrier accorde en outre un chapitre aux populations particulières qu’il convient de vacciner, notamment les enfants handicapés accueillis en institution et les enfants d’âge préscolaire en collectivité. « Bien que rares, les contaminations horizontales dans des crèches sont possibles », note le Dr Broué.
Enfin, le renforcement de la couverture vaccinale des enfants et des préadolescents est l’un des axes prioritaires du plan hépatites 2009-2012 lancé par le gouvernement (DGS-R12 du12-01-2009).
Tous les médecins sont impliqués.
Reste à inciter les médecins de famille à proposer systématiquement la vaccination contre l’hépatite B, d’autant que, contrairement à certaines idées reçues, les parents ne sont pas contre. Une étude menée par l’Institut de veille sanitaire (InVS) (3), et une enquête réalisée en 2008 par l’Observatoire des couvertures vaccinales des enfants de l’Institut des mamans le montrent bien. Selon les résultats de cette dernière, 47 % des mères déclarent que la vaccination de leur enfant contre l’hépatite B leur paraît indispensable et 34 % la jugent utile, seulement 11 % la considèrent peu utile et 4 % inutile. Les mères suivent les conseils de leur médecin : 33 % disent s’en remettre complètement à son avis, 55 % déclarent que le médecin propose et qu’elles suivent ses conseils. Elles ne sont que 11 % à affirmer ne pas toujours suivre les conseils de leur médecin. L’étude de l’InVS confirme que les patients s’en remettent à l’avis de leur médecin : « Le choix de se faire vacciner est confié au médecin traitant, perçu comme une source d’information fiable et digne de confiance. » Pourtant, si les médecins interrogés par l’InVS connaissent bien l’hépatite B, ils ne la perçoivent pas comme un enjeu de santé publique majeur. Il apparaît, dans cette étude, que la question du risque de SEP reste très présente sous forme d’un doute persistant, d’où une attitude « passive » vis-à-vis de la vaccination : si leurs patients en expriment le souhait, les médecins la réalisent volontiers, mais la majorité d’entre eux ne la proposent pas spontanément, car ils pensent que la controverse sur la SEP est ancrée dans la mémoire des patients, alors que cette polémique est en fait peu connue du public…
D’après un entretien avec le Dr Pierre Broué, hépatologie pédiatrique, hôpital des enfants, CHU de Toulouse, Groupe Francophone d’Hépatologie, Gastroentérologie et Nutrition Pédiatriques.
* Le taux de couverture vaccinale vis-à-vis de l’hépatite B était, en 2007, de 96 % en Espagne et Italie, de 97 % au Portugal et de 87 % en Allemagne, contre 29 % en France.
(1) Mikaeloff Y. et al. Arch Ped Adol Med 2007;161:1176-82.
(2) Mikaeloff Y. et al. Brain 2007;130:1105-10.
(3) Vignier N. et al. BEH 20-21/ 19 mai 2009.
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