LES DONNÉES ACTUELLES concernant les effets des thiopurines sur la grossesse proviennent principalement du suivi de patientes transplantées. Il y a peu de séries portant exclusivement sur des femmes atteintes de MICI. La littérature récente en comporte deux, l’une concerne 64 grossesses répertoriées dans un registre danois (1) et la seconde, 155 grossesses issues d’une cohorte rétrospective (2). D’où l’intérêt de l’étude réalisée à partir de la cohorte CESAME (Cancers Et Sur-risque Associés aux Maladies inflammatoires intestinales En France) qui porte sur 215 grossesses recensées chez 204 patientes.
Il s’agit d’une cohorte prospective nationale de trois ans, coordonnée par le Pr Laurent Beaugerie (Hôpital Saint-Antoine, Paris), et qui a inclus plus de 20 000 patients suivis pour des maladies cryptogénétiques de l’intestin. Ses données ont servi à la constitution d’un registre de déclaration des grossesses, souligne le Pr Marteau. « Le but de l’étude était de comparer le déroulement de ces grossesses entre les femmes exposées aux analogues des purines, à d’autres médicaments et les femmes ne recevant aucune thérapeutique ».
Trois quarts des patientes (75,4 %) avaient une maladie de Crohn, 21,8 % une rectocolite hémorragique et 2,5 % une colite d’origine indéterminée. Les 215 grossesses ont abouti à 138 naissances ; 39,6 % se sont déroulées sous analogue des purines, 38,7 % sous d’autres traitements et 20,7 % sans aucun traitement de MICI.
Pas de différence significative.
L’analyse des résultats ne montre pas de différence significative entre les trois groupes de femmes tant en termes d’avortements/fausses couches (36 % sous thiopurines, 33,3 % sous d’autres traitements, 40 % chez les femmes sans traitement) que d’anomalies congénitales (respectivement 3,6 %, 5,3 %, 3,7 %). Un taux de prématurité de 21,8 % a été observé dans le groupe thiopurines, contre 16 % et 7,4 % dans les deux autres groupes. Cette différence n’est pas significative et, la tendance à une augmentation du risque de prématurité au cours des MICI est bien connue.
« À l’heure actuelle, les données de la littérature sur la sécurité des thiopurines pendant la grossesse sont donc rassurantes et les résultats de notre étude vont dans le même sens », commente le Pr Marteau. Il n’y a aucune justification à arrêter ou à modifier le traitement par ces médicaments du simple fait d’une grossesse. Les données de cette étude alimenteront certainement la banque d’information sur les agents tératogènes : le CRAT (Centre de référence sur les agents tératogènes) que tout médecin peut consulter (http://www.lecrat.org).
*D’après un entretien avec le Pr Philippe Marteau, département médicochirurgical de pathologie digestive, hôpital Lariboisière, Paris.
(1) Langagergaard V et al. Birth outcome in women treated with azathioprine or mercaptopurine during pregnancy : A Danish nationwide cohort study. Aliment Pharmacol Ther 2007 ; 25 : 73-81.
(2) Francella A et al. The safety of 6-mercaptopurine for childbearing patients with inflammatory bowel disease: a retrospective cohort study. Gastroenterology 2003 ; 124 : 9-17.
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