Réservée initialement au traitement des adénocarcinomes gastriques superficiels, la dissection sous-muqueuse endoscopique (ESD) est utilisée depuis moins de dix ans dans les pays occidentaux, alors qu’elle existe depuis la fin des années 1990 au Japon. Lente au début, sa diffusion a rencontré plusieurs difficultés, qui se lèvent progressivement : matériel spécifique nécessaire (CO2, couteaux de dissection) et endoscopes dédiés, absence de remboursement, et surtout un apprentissage de la technique relativement long. Néanmoins, l’organisation récente (juin 2021) de la formation à la dissection sous l’égide de la Société française d’endoscopie digestive (SFED), avec un compagnonnage au sein des centres experts identifiés, devrait accélérer le développement de cette technique en France.
L’objectif : une exérèse curative
L’ESD consiste à réséquer les lésions, quelle que soit leur taille, en un seul fragment (exérèse monobloc). À l’aide d’un couteau de dissection, la lésion est séparée du plan profond de la paroi (musculeuse). Cela nécessite une incision circonférentielle, pour assurer des marges latérales, puis une dissection dans le plan sous-muqueux, fibres après fibres, au plus près de la musculeuse, pour assurer la marge profonde. Une analyse histologique de la pièce endoscopique permet de préciser a posteriori, comme en mucosectomie, si la résection est « curative » (histologie, exérèse monobloc, marges saines). En cas de lésion tumorale, différents critères doivent être analysés sur la pièce pour juger le caractère « curatif » de la résection : type histologique, qualité des marges latérales et profondes, présence d’une infiltration tumorale sous muqueuse, critères prédictifs d’envahissement ganglionnaire, qualitatifs (embole, budding, différenciation tumorale) et quantitatifs (mesure de l’infiltration sous muqueuse).
ESD ou mucosectomie ?
Le principal avantage de l’ESD sur la mucosectomie est l’assurance de réaliser une exérèse monobloc, quelle que soit la taille de la lésion. En effet, il est difficile de réaliser une mucosectomie monobloc pour des lésions supérieures à 20-25 mm, même en utilisant des techniques « aidantes » (ancrage avec la pointe de l’anse), au risque d’augmenter la morbidité (risque de perforation). La mucosectomie fragmentée, technique dont la morbidité est faible, expose surtout le patient au risque de récidive locale. Dans une récente étude prospective, les taux de récidive à 6, 12, 18 et 24 mois après mucosectomie en fragments, pour des lésions colorectales à partir de 20 mm, étaient respectivement de 16,1 %, 20,4 %, 23,4 % et 28,4 % (1). Une surveillance renforcée doit donc être instaurée dans les suites d’une mucosectomie fragmentée. Les dernières recommandations de la SFED, calquant celles de la Société européenne d’endoscopie digestive (ESGE), préconisent une coloscopie de contrôle entre 3 et 6 mois, puis 12 mois après, pour détecter les récidives tardives (2,3). La résection monobloc par ESD, en s’affranchissant de ce risque de récidive, permet dans la majorité des cas de rejoindre les intervalles de surveillance des lésions de plus petite taille.
Des indications très larges
L’ESD est le traitement de référence de tous les cancers digestifs superficiels, excepté au niveau du duodénum, où cette technique reste encore très confidentielle (même au Japon) en raison d’un taux de complications élevé. Une phase initiale de caractérisation de la lésion est essentielle pour déterminer si la lésion est accessible à un traitement endoscopique (selon les classifications de Sano, JNET, CONNECT). Les indications formelles sont les carcinomes épidermoïdes de l’œsophage à partir de 10 mm, les adénocarcinomes superficiels gastriques dès 15 mm et colorectaux à partir de 20 mm.
Pour les lésions prénéoplasiques de grande taille, de plus en plus de données plaident en faveur de l’ESD : peu de risque de récidive, faible taux de complications avec une technique maîtrisée…
D’autres indications se sont aussi progressivement imposées : échec de mucosectomie, récidive lésionnelle (après mucosectomie, sur anastomose chirurgicale), localisation difficile (diverticule, orifice appendiculaire, valvule).
Attention aux complications
La perforation et l’hémorragie retardée sont les deux principales complications de l’ESD. Le taux d’hémorragie varie selon l’organe et la localisation de la lésion : 3 % au niveau colique et près de 10 % au niveau gastrique. Une reprise endoscopique peut être parfois nécessaire. Le risque global de perforation est estimé à 5 %, mais nécessite une chirurgie secondaire dans moins de 1 % des cas. La reconnaissance pendant le geste d’une brèche de la musculeuse est fondamentale pour traiter minutieusement les perforations immédiates par clips. Les perforations retardées restent heureusement rares.
Hôpital privé Jean Mermoz (Lyon)
(1) Pellise M et al. J.Gut. 2017 Apr;66(4):644-53.
(2) Hassan C et al. Endoscopy. 2020 Aug;52(8):687-700
(3) https://www.sfed.org/files/files/modalites_de_surveillance_definitives…
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