CLASSIQUEMENT, la prise en charge des patients atteints de maladie de Crohn (MC) repose sur une stratégie progressive (step-up). Celle-ci s’appuie sur une escalade thérapeutique : aminosalicylés, corticoïdes puis azathioprine ou méthotrexate, les traitements biologiques notamment les anti-TNF alpha étant recommandés uniquement après échec de ces médicaments. « Mais, à l’instar des rhumatologues, on se rend de plus en plus compte que ce schéma classique n’est pas satisfaisant », souligne le Pr Colombel. Laisser se constituer des lésions importantes de l’intestin aboutit, en effet, dans un nombre important de cas à la nécessité d’un recours à la chirurgie. « On se repose donc la question du meilleur moment pour introduire les traitements les plus actifs, en l’occurrence les traitements biologiques ». L’essai SONIC fournit des éléments de réponse à cette interrogation.
Cet essai a évalué les effets de l’infliximab et/ou de l’azathioprine, en deuxième ligne (échec de 5-ASA et de corticoïdes) chez 508 patients n’ayant jamais reçu de traitement immunosuppresseur. L’efficacité a été évaluée à la 26e semaine. Il est intéressant de noter, d’une part, que le critère de jugement principal était la rémission clinique sans corticoïdes et, d’autre part, que les investigateurs sont allés encore plus loin en choisissant la cicatrisation muqueuse parmi les principaux critères de jugement secondaires. « C’est l’une des plus grandes études internationales menées dans le cadre des maladies intestinales inflammatoires », explique le Pr Colombel. Il faut souligner une autre caractéristique de SONIC qui est la durée d’évolution relativement courte de la maladie, avec une médiane de 2,3 ans contre 6 ans dans les autres essais.
Une rémission clinique plus rapide.
À 26 semaines, le pourcentage de patients en rémission clinique était significativement plus élevé avec l’infliximab en monothérapie (44,4 %) qu’avec l’azathioprine (30,6 %). De façon plus inattendue, les résultats de la bithérapie infliximab + azathioprine étaient encore meilleurs (56,8 %) évoquant une synergie des deux traitements. Une mise en rémission clinique plus rapide a été observée chez les patients traités par l’anti-TNF : dans les deux groupes sous infliximab, la différence avec l’azathioprine était déjà significative à la 6e semaine.
En ce qui concerne la cicatrisation muqueuse, l’infliximab était plus efficace que l’azathioprine avec une tendance non significative pour une meilleure efficacité du traitement combiné. Une amélioration de la qualité de vie plus rapide et significative a aussi été notée dans les deux bras infliximab.
Un autre point important de l’étude était la caractérisation des malades répondant le mieux au traitement biologique. « La différence entre les traitements était surtout nette dans le sous-groupe de patients qui présentaient initialement des critères d’inflammation objectifs, notamment une protéine C réactive élevée ou des lésions endoscopiques », fait remarquer le Pr Colombel.
La fréquence des effets secondaires, en particulier infectieux, était similaire dans les trois groupes et aucun nouveau « signal » n’est apparu dans cette étude. Il faut toutefois être prudent dans l’interprétation de ces données de tolérance qui sont issues de résultats à 6 mois. L’étude va se poursuivre et on attend des résultats à un an, délai pendant lequel la méthodologie en aveugle a été maintenue.
« Avec SONIC, qui démontre l’intérêt de la stratégie top-down, l’algorithme de traitement de la MC se modifie », commente le Pr Colombel. Il paraît donc justifié de mettre d’emblée les malades avec activité inflammatoire importante et considérés comme graves pour le clinicien (patients jeunes, formes de MC étendues…) sous traitement intensif, comportant idéalement une bithérapie azathioprine + infliximab pendant au moins 6 mois. Reste à définir la conduite à tenir après ce délai. SONIC ainsi que d’autres essais en cours vont permettre de dire si le traitement doit être arrêté ou poursuivi soit en bithérapie, soit en monothérapie avec l’un ou l’autre de ces médicaments.
*D’après un entretien avec le Pr Jean-Frédéric Colombel, service d’hépatogastroentérologie, hôpital Huriez, CHU Lille.
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