En France, on connaît bien le duo Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna, considérées comme les mères de la technique de modification de l'édition génétique CRISPR-Cas9, mais on connaît moins bien Feng Zhang et son équipe du Broad Institute, qui contestent la paternité de la technique devant l'office américain des brevets (USPTO). Ce dernier organisme vient de rendre une décision favorable à Feng Zang, mais la bataille juridique s'annonce encore longue.
Pas d'interférence
Après une audience en décembre dernier, les juges de l'USPTO ont estimé que le brevet déposé par Broad ne causait pas d'« interférence » avec la demande de brevet plus large déposée par Berkeley et le duo Charpentier-Doudna, et ne pouvait donc pas être contesté sur ce point-là. « Les preuves montrent que l'invention d'un système permettant d'utiliser CRISPR-Cas9 dans un environnement eucaryote n'est pas automatiquement incluse dans l'invention d'un système permettant l'utilisation du CRISPR-Cas9 dans tous les environnements », informe l'USPTO.
L'USPTO n'a pas statué sur le fond, notamment sur la question de savoir si les parties ont le droit de compter sur leurs plus anciennes demandes de brevet pour l'avantage de la priorité. Les 2 chercheuses Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna avaient déposé, en mai 2012, une demande de brevet concernant l'utilisation du CRISPR sur des organismes simples de type bactérie. Déposé plus tard (décembre 2012), le brevet de Feng Zhang concerne, lui, les cellules eucaryotes, et a été déposé selon une procédure accélérée et plus coûteuse. Cette différence de procédure permet au scientifique d'origine chinoise d'obtenir son brevet plus rapidement. Une situation qui a suscité le mécontentement de l'université de Berkeley, à laquelle appartient Jennifer Doudna, qui avait déposé une réclamation devant l'office américain des brevets.
Il est important de préciser que les séquences génétiques CRISPR, ciblées par les protéines Cas9, ne peuvent pas être brevetées, pas plus que la protéine Cas9 qui existe à l'état naturel. L'objet de la lutte entre Berkeley et le Broad Institute concerne la propriété intellectuelle des techniques employée pour les utiliser dans le cadre de manipulations génétiques. Les brevets déposés par Broad et son partenaire, l'institut de technologie du Massachusetts, concerne la première utilisation du CRISPR-Cas9 pour modifier le génome de mammifères.
La demande de brevet de Berkeley toujours en cours
La demande de brevet de Jennifer Doudna et Emmanuelle Charpentier, qui peuvent par ailleurs faire appel de cette décision, n'est donc pas remise en cause, mais pourrait se voir amputer d'une partie de son champ d'application. Dans un communiqué, le Broad Institute estime en effet que le brevet déposé par l'université de Berkeley « est basé exclusivement sur des études sur les cellules eucaryotes ». En février 2017, l'USPTO instruit 50 demandes de brevets sur les méthodes de modification génétiques impliquant le CRISPR et/ou le Cas9, dont 14 émanant du Broad Institute.
Cette décision ne concerne que les États-Unis : l'office de la propriété intellectuelle du Royaume-Uni a, par exemple, déjà accordé un brevet à l'université de Berkeley. En France, une seule demande de brevet a été déposée sur l'utilisation du système CRISPR-Cas9 par la firme Integrated DNA Tech Inc. Elle porte, comme les demandes de Berkeley et de Broad Institute aux États-Unis, sur l'utilisation de la technologie CRISPR-Cas9 avec le format ARN Guide-unique, dans lequel deux molécules clés de l'ARN, le tracrRNA et le crRAN, sont fusionnées en une molécule unique.
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