Comment les filières maladies rares s'emparent du séquençage haut débit

Par
Publié le 13/11/2020
Article réservé aux abonnés

Pour ouvrir l'accès des plateformes de séquençage à leurs patients, la filière Firendo spécialisée dans les maladies rares endocrines a dû travailler dur. Avec 40 000 patients répartis sur 250 ou 300 maladies, cette filière a obtenu le plus grand nombre de pré-indications : 8 sur les 61 retenues à ce jour par le plan France médecine génomique, qui vont de l'insuffisance ovarienne primitive au syndrome de Cushing en passant par le diabète néonatal.

Les malades chez qui les panels de gènes identifiés à ce jour ne permettent pas de trouver une altération génétique sont les premiers concernés par le séquençage de génome entier. « Dans l'hypogonadisme hypogonadotrope congénital par exemple, huit à dix gènes sont connus mais n'expliquent la pathologie que chez une fraction de patients », explique le responsable de la filière, le Pr Jérôme Bertherat, endocrinologue à l'hôpital Cochin (AP-HP).

Un consentement très encadré

Les malades étant peu nombreux, la filière a mis en place trois RCP nationales regroupant plusieurs pré-indications. Le financement de ces RCP, non prévu dans le plan, a dû être assuré par des moyens assignés à d'autres projets. En outre, les biologistes spécialisés « doivent consacrer du temps à l'interprétation des résultats, ce qui pose aussi la question de leur rémunération », ajoute le Pr Bertherat.

Pour ce responsable de filière, le gros chantier du moment est de combler le déficit en information des cliniciens : « Les spécialistes, comme les médecins généralistes, doivent savoir que des résultats négatifs il y a cinq ans peuvent faire l'objet d'un séquençage pangénomique aujourd'hui », martèle-t-il.

Pour le Pr Bertherat, le principal point de difficulté logistique reste le prélèvement du patient et de ses parents dans des consultations dédiées avec des conditions rigoureuses après obtention du consentement, très encadrée par des formulaires imposés par les plateformes. Des entrevues de 45 à 50 minutes en moyenne, sont nécessaires, et aucun dispositif de financement n'est prévu. « « Il faut prendre en compte le parcours antérieur du patient – A-t-il déjà vu des généticiens ? – son niveau socioculturel, sa bonne compréhension de la maladie et de sa cause éventuellement génétique, ajoute le Pr Bertherat. L'annonce est également compliquée, compte tenu de la problématique des découvertes incidentes d'anomalies génétiques qui exposeraient à d’autres maladies ».

Les espoirs de la filière Sensgene

La filière Sensgene est spécialisée dans les 2 000 maladies rares sensorielles, de la vision et de l'audition. Ces pathologies, génétiques dans 80 % des cas, regroupent plus de 15 000 malades en France. La filière a mis en place trois RCP nationales pour trois indications (dystrophies rétiniennes héréditaires, malformations oculaires et surdités syndromiques et malformatives) retenues dans le plan France médecine génomique 2025.

« On est entré dans une phase proactive où le génome entier va prendre la place de gènes dans le quotidien des consultations de génétiques générales ou spécialisées, juge la coordinatrice de la filière la Pr Hélène Dollfus du CHU de Strasbourg. Cela implique des changements de mode de travail et d'organisation ». Dans ces spécialités, les prescripteurs sont à la fois des généticiens et des ORL et ophtalmologistes très spécialisés. La Pr Dollfus estime qu'il faut relier ces deux populations. « Pour cela, on met en place des RCP génomiques dans les CHU où l'on espère avoir des correspondants prescripteurs qui feront le lien avec les spécialistes d'organe sur leurs sites. »

Les laboratoires diagnostiques capables de faire des études de panels sont malheureusement trop peu nombreux selon la Pr Dollfus qui espère « des résultats plus rapides avec les plateformes de séquençage mais en lien avec les laboratoires existants ». Un autre espoir est de voir le séquençage haut débit accompagner le développement de la thérapie génique.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin