DE NOTRE CORRESPONDANTE
LE CANCER du testicule (tumeurs germinales dans 95 % des cas) est le cancer le plus fréquent chez l'homme de 15 à 45 ans. Indolore, il est souvent diagnostiqué suite à la découverte d'une grosseur dans les bourses. Le traitement permet une guérison dans 80 % des cas.
Son incidence dans la population caucasienne (peau blanche) a doublé depuis 1975, sans que l'on sache pourquoi. On ignore aussi pourquoi son incidence dans la population caucasienne est plus élevée que dans la population noire africaine (cinq fois plus) et chez les Asiatiques.
Certains facteurs de risque ont été clairement identifiés, mais non expliqués, parmi lesquels la cryptorchidie, l'atrophie testiculaire ou l'orchite ourlienne, le cancer controlatéral, et les antécédents familiaux.
On soupçonne que des facteurs environnementaux ainsi que des facteurs génétiques contribuent au développement de ce cancer. En faveur de la composante génétique, on sait que le risque de cancer du testicule pour les frères de patients affectés est 8 à 12 fois plus élevé. Pour les jumeaux monozygotes et dizygotes ce risque est, respectivement, 75 et 35 fois plus élevé. Toutefois, les études de liaison et les approches de gène candidat n'ont jusqu’à présent pas réussi à identifier un facteur de risque génétique notable.
Une équipe dirigée par le Dr Katherine Nathanson (Université de Philadelphie, États-Unis) a conduit une étude génomique d'association, comparant l'ADN de 277 hommes atteints du cancer du testicule (cas) et 919 hommes non atteints (témoins), tous d'origine caucasienne.
Une association significative avec le cancer a été trouvée pour 7 marqueurs au sein du gène KITLG (c-KIT ligand) situé sur le chromosome 12 (12p22).
Dans une étude de réplication, comparant 371 cas et 860 témoins d'origine caucasienne (région de Seattle), le risque de cancer était multiplié par 3 pour l'allèle majeur du variant rs3782179 (OR = 3) et du variant rs4474514 (OR = 3) dans le gène KITLG .
Des associations plus faibles ont également été trouvées, dans la phase de découverte, pour 2 variants près du gène SPRY4 (sprouty 4) situé sur le chromosome 5 (5q31.3). Dans l'étude de réplication, le risque de cancer était accru de 40 % par copie de l'allèle majeur de chacun de ces 2 variants SPRY4.
Un variant majeur.
« Ces variants sont les premiers facteurs de risque génétique frappants trouvés à ce jour pour ce cancer », souligne dans un communiqué le Dr Katherine Nathanson.
« Cette découverte est assez différente des précédents résultats trouvés dans de nombreuses études génomiques d'association. Dans ces études, le risque accru de cancer était associé au variant mineur (le moins fréquent) du gène. Dans le cas présent, c'est le variant majeur (le plus fréquent) chez les Caucasiens qui est associé au risque de cancer. Si vous portez les deux copies du variant mineur, vous êtes probablement à très faible risque. »
De plus, l'ampleur du risque associe au gène KITLG est bien plus grand, avec un risque accru de 300 %, que ce qui a été trouvé typiquement dans d'autres cancers (sein, colon, prostate) ou les gènes augmentent individuellement le risque de seulement 10 à 25 %.
« Cette forte association est intrigante et pourrait refléter l'effet du gène KITLG ; cependant, puisque la prévalence du variant majeur est si élevée, elle pourrait aussi refléter d'autres facteurs sous-jacents requis conjointement au gène KITLG pour que le cancer se développe. Cela reste à déterminer. »
Il reste maintenant à découvrir quels sont les facteurs qui modifient le risque génétique (autres gènes ou facteurs de l'environnement), puisque seulement une petite proportion des hommes portant les allèles à risque développera le cancer.
« Maintenant que nous connaissons mieux les facteurs génétiques, nous espérons construire un meilleur modèle du risque en examinant les interactions gène-environnement. »
On peut noter par ailleurs que le gène KITLG est impliqué dans la pigmentation ; or le variant à risque est plus fréquent dans la population caucasienne que dans la population noire, ce qui pourrait expliquer en partie la différence ethnique de l'incidence du cancer.
Enfin, cette découverte concorde avec les précédents modèles de formation du cancer. « Les chercheurs ont postulé que le cancer du testicule est un trouble du développement ou de la maturation des cellules germinales, note le Dr Nathanson. Ils avaient raison puisque le gène KITLG est crucial pour le développement et la maturation des cellules germinales. »
Une autre équipe, dirigée par le Pr Michael Stratton (Institute of Cancer Research et Welcome Trust Sanger Institute, Royaume-Uni), a conduit une étude génomique d'association pour le cancer du testicule chez 730 cas et 1 435 témoins d'origine britannique, avec une étude de réplication des associations chez 571 cas et 1 806 témoins.
Ils ont trouvé 3 loci de susceptibilité : sur le chromosome 12 au sein du gène KITLG (OR = 2,55), sur le chromosome 5 près du gène SPRY4 (OR = 1,37) et sur le chromosome 6 au sein du gène BAK1 (OR = 1,5).
« Le risque conféré par chaque gène varie, mais dans un cas (KITLG) le risque est accru de 2 à 3 fois », note dans un communiqué le Pr Stratton. « Les risques sont aussi additifs dans une certaine mesure, si bien que les hommes qui héritent tous les variants à risque que nous avons identifiés sont 4 fois plus susceptibles que la population générale de développer le cancer du testicule. En combinant ces risques génétiques avec les autres facteurs de risque connus, il pourrait être possible dans le futur d'identifier les hommes à risque pour le cancer du testicule, en particulier ceux qui ont un frère ou un père déjà affecté par le cancer. Cela pourrait permettre une détection précoce ou une prévention. »
Les trois gènes (KITLG, SPRY4, BAK1) sont impliqués dans la même voie importante pour la survie et le développement des cellules germinales. « En comprenant la biologie de ce cancer, nous espérons pouvoir améliorer les options thérapeutiques », fait entrevoir le Dr Elizabeth Rapley (ICR, R-U), première signataire de l'étude.
L'équipe britannique souhaite maintenant contacter jusqu'à 3 000 hommes britanniques ayant développé dans le passé un cancer du testicule, afin de poursuivre l'étude et identifier d'autres facteurs de risque génétique.
Nature Genetics 31 mai 2009, Rapley et coll., Kanetsky et coll., DOI: 10.1038/ng.394. DOI: 10.1038/ng.393.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?