Beaucoup de maladies vectorielles (paludisme, dengue, Zika…) sont transmises par la femelle de différentes espèces de moustiques (Aedes aegypti ou albopictus, Anopheles gambiae…). Face aux limites des méthodes classiques de la lutte antivectorielle (LAV), des chercheurs se penchent sur l’utilisation des moustiques eux-mêmes pour supprimer les populations vectrices, ou les modifier de telle sorte qu’elles ne puissent plus transmettre la maladie. Certaines solutions passent par des moustiques génétiquement modifiés (GM).
Le Haut Conseil des Biotechnologies (HCB) a rendu en mai 2017 un avis sur l’utilisation de moustiques GM dans le cadre de la LAV. Éric Marois (INSERM, Strasbourg), qui a participé aux consultations préalables à cet avis, rappelle au « Quotidien » que « l’idée d’utiliser des moustiques GM vient du fait que les autres solutions atteignent leurs limites », notamment à cause de la résistance aux insecticides et aux antipaludiques.
Supprimer ou modifier des populations de moustiques
Deux stratégies de LAV utilisant des moustiques GM sont envisagées : la réduction des populations, et leur modification pour rendre les moustiques incapables de transmettre le pathogène.
La première est dite de l’insecte stérile (TIS). Par irradiation (une voie peu utilisée) ou par modification génétique, les moustiques mâles sont rendus stérilisants. Cette technique est basée sur le fait que les femelles ne s’accouplent qu’une seule fois. Si elles le font avec des mâles modifiés, les œufs n’éclosent pas ou les larves ne sont pas viables. La seule technique développée à un niveau opérationnel à ce jour (technique RIDL de la société Oxitec) vise à réduire une population de moustiques par des lâchers récurrents et massifs de mâles transgéniques stérilisants. « Dans ce cadre, les mâles sont relâchés dans un quartier de 60 000 habitants environ », précise Éric Marois. « Il s’agit d’une stratégie très locale et onéreuse : c’est une goutte d’eau dans l’océan, même si elle est potentiellement intéressante pour de petites îles (comme Saint-Martin ou Saint-Barthélémy). »
La stratégie de modification des populations de moustiques est, elle, forcément transgénique. « Il s’agit d’introduire des transgènes dans les moustiques pour les rendre résistants au pathogène », explique Éric Marois. « Mais les transgènes ont tendance à disparaître car ils sont coûteux pour l’organisme. » C’est là qu’intervient le forçage génétique, qui utilise l’outil CRISPR-Cas9 pour soutenir la propagation du transgène dans une population naturelle. Cette technique pourrait être au point d'ici 5 à 10 ans, et peut aussi être employée pour la suppression d’une population entière de moustiques. « En théorie, un seul moustique initial suffirait alors pour éliminer une population entière de moustiques, et le coût serait bien inférieur », ajoute Éric Marois.
Des limites écologiques et éthiques
Ces stratégies peuvent donner le vertige. « C’est la première fois que l’on pourrait, consciemment et volontairement, éliminer ou modifier une espèce entière », insiste Éric Marois. « Mais le forçage génétique permettrait de cibler une seule espèce de moustiques (sur les 3 500 qui existent). L’écosystème ne serait pas perturbé comme par un insecticide. » Le chercheur ajoute que des différences peuvent aussi être faites entre espèces allochtones, qu’on aurait moins de scrupules à éliminer, et espèces autochtones, qui seraient davantage légitimes dans leur écosystème. Cependant, « nous manquons de données écologiques : nous ne savons pas quelle est la place d’une espèce de moustiques dans son écosystème et si sa disparation aurait un impact sur toute la chaîne alimentaire », indique le chercheur.
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