Le génome de toutes les souches connues est décodé

Le virus du rhume mis à nu

Publié le 12/02/2009
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

LE RHINOVIRUS est le principal agent du rhume banal (ou rhinite), mais aussi une cause de rhinosinusite, d'otite, d'infection respiratoire inférieure, et de 50 % des exacerbations D’asthme. Il peut aussi diriger le système immunitaire du nourrisson vers un phénotype asthmatique. On estime que chaque année les adultes ont entre 2 à 4 rhumes et les enfants d'âge scolaire peuvent en avoir jusqu'à 10. Les coûts directs et indirects du rhume et de ses complications chez les asthmatiques sont estimés à 60 milliards par an aux États-Unis.

Les méthodes classiques de culture et sérotypage du rhinovirus humain (RVH), un virus à ARN de la famille des picornavirus et proche des entérovirus, avaient identifié 99 souches de RVH. Elles ont été classées, sur la base d'un séquençage partiel, en deux espèces : RVH-A (74 souches) et RVH-B (25 souches) ; elles ont aussi été réparties en 2 groupes selon le type de récepteur cellulaire utilisé : soit ICAM-1 (groupe « majeur », 65 RVH-A et 25 RVH-B) soit LDLR (groupe « mineur  », 9 RVH-A). Récemment, de nouveaux outils moléculaires visant à identifier des génomes viraux « inconnus » ont permis d'identifier une nouvelle espèce de rhinovirus non encore cultivée, RVH-C, répandue dans le monde et pouvant engendrer des formes respiratoires plus sévères.

La séquence génomique complète de la majorité des souches n'avait pas encore été déterminée.

Afin de définir l'étendue et la nature de la diversité du RVH, et de mieux comprendre leur évolution, des chercheurs de l'université du Wisonsin (Madison), du Craig Venter Institute (Rockville) et de l'université du Maryland (Baltimore), ont achevé de séquence les génomes des 99 souches originales (dont 80 nouvelles séquences génomiques complètes), de 10 échantillons récemment recueillis et de 7 souches de RVH-C.

Une mine d'informations.

À partir des séquences, les chercheurs ont construit un arbre phylogénétique éclairant l'évolution des génomes. Les rhinovirus sont organisés en 15 petits groupes qui viennent d'ancêtres lointains.

L'examen des génomes révèle des motifs conservés entre toutes les souches et des séquences et éléments structurels spécifiques d'espèce - A, B, C et peut-être une nouvelle espèce D.

La séquence IRES (Internal Ribosome Entry Site) des rhinovirus, capable d’initier la traduction de manière indépendante de la coiffe, est conservée et montre une configuration spécifique qui pourrait expliquer la traduction rapide de l'ARN rhinoviral en protéines virales. Cette information pourrait suggérer une approche thérapeutique.

En analogie avec le poliovirus, un segment 5'UTR hypervariable pourrait affecter la virulence.

Les chercheurs ont aussi découvert de multiples mutations (jusqu'à 800 réparties dans tout le génome) dans les échantillons viraux récemment prélevés chez des patients enrhumés, en comparaison des 99 souches de référence plus anciennes. Certains virus mutent en modifiant légèrement des protéines afin de ne pas être détruits par les anticorps du patient.

La preuve de recombinaisons.

Ils ont également trouvé la preuve de recombinaisons historiques répétées du génome, c'est-à-dire l'échange de matériel génétique entre 2 souches distinctes du virus infectant la même personne. «  La capacité des différentes souches du rhinovirus à échanger leurs gènes et à former des souches entièrement nouvelles était supposée ne pas exister  », note le Dr Claire Fraser-Liggett, professeur de médecine et microbiologie à l'université du Maryland, et membre de l'équipe. «  Il est possible que cela puisse conduire à l'émergence d'une nouvelle souche de rhinovirus ayant des propriétés dramatiques  ».

Toutefois, avec les séquences du rhinovirus disponibles, et une certaine idée de la façon dont ils échangent leurs gènes, il pourrait être possible de prédire le potentiel pathogène d'un virus et de développer des agents antiviraux contre l'infection.

«  Tandis que les antiviraux ont le plus de chance de voir le jour, note le Dr Stephen Liggett, les informations recueillies à partir des séquences génomiques complètes nous donnent l'occasion de reconsidérer la possibilité d'un vaccin, notamment en recueillant de multiples échantillons et en séquençant leur génome. Ce travail est en cours  ».

« Sciencexpress », 12 février 2009, Palmenberg et coll.

Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr