Les nouveaux traitements peinent à émerger

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Publié le 17/06/2022
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Les spécialistes de la drépanocytose déplorent les difficultés d'accès aux traitements innovants dans cette maladie aux complications pouvant être sévères.
seule La greffe de cellules souches hématopoïétiques issues de moelle constitue une des option de traitement curatif viable

seule La greffe de cellules souches hématopoïétiques issues de moelle constitue une des option de traitement curatif viable
Crédit photo : Phanie

Pendant longtemps, la drépanocytose est restée une maladie sans médicament capable d'améliorer la qualité de vie des patients. Les molécules les plus anciennes, l'hydroxyurée et l'hydroxycarbamide, sont efficaces sur la prévention et/ou l'atténuation des crises vaso-occlusives et des syndromes thoraciques. On estime qu'elles réduisent de 30 à 50 % la fréquence des crises. Mais environ un tiers des patients ne sont pas répondeurs. Ensuite vient la transfusion, « efficace mais qui génère des résistances », précise le Dr Sylvain Le Jeune, chef de l'unité de médecine interne et vasculaire à l'hôpital Avicenne (AP-HP), qui souligne le besoin d'alternatives. Et c'est là que le bât blesse en France.

La maladie, aussi appelée anémie falciforme, se caractérise par une malformation de l’hémoglobine qui a tendance à former des feuillets, rendant les globules rouges fragiles et rigides. « Les patients souffrent classiquement d'anémies, d'infections graves à pneumocoque et surtout de crises vaso-occlusives osseuses avec des douleurs très intenses vécues comme des fractures, nécessitant des hospitalisations », liste le Dr Le Jeune. « C'est une maladie méconnue avec des préjugés, dont les patients sont victimes. Et avec la réforme du deuxième cycle qui a supprimé le petit module d'enseignement qui traitait de la drépanocytose, la situation ne va pas s'arranger », ajoute la Dr Bérengère Koehl, pédiatre à l'hôpital Robert Debré (AP-HP).

Des complications sévères et fréquentes

À l'âge de 25 ans, la moitié des patients présentent déjà des complications graves telles que des lithiases, des ostéonécroses de la tête fémorale nécessitant souvent la pose d'une prothèse de hanche et des atteintes vasculaires cérébrales avec des AVC de l'enfant. La prise en charge s'appuie donc « sur un dépistage régulier et un suivi de ces complications », détaille le Dr Le Jeune.

En France, l'accès aux nouvelles molécules est difficile. Ainsi, le crizanlizumab (Adakveo), mis au point par Novartis et indiqué dans la prévention des crises vaso-occlusives récurrentes, en monothérapie ou associé à l'hydroxyurée/l'hydroxycarbamide, n'est pas remboursé (absence d'amélioration du service médical rendu pour la Haute Autorité de santé).

Le 14 février 2022, le voxelotor (Oxbryta, laboratoire Global Blood Therapeutics) a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne. Il agit en améliorant la capacité des globules rouges à fixer l'oxygène et à prévenir leur agrégation tout en augmentant leur espérance de vie. Les spécialistes espèrent qu'un accord sera rapidement trouvé sur le prix et le taux de remboursement.

Thérapie génique et greffe

« Il y a des essais cliniques qui auraient dû se dérouler en France, mais qui sont tombés à l'eau, faute de négociations ayant abouti entre le laboratoire et l'administration », poursuit le Dr Le Jeune. Le laboratoire BlueBird Bio a dû mettre fin, le 16 février 2021, à une étude de phase 1/2 et à une autre de phase 3 sur la thérapie génique LentiGlobin pour la drépanocytose en raison d'un effet indésirable grave inattendu rapporté de leucémie myéloïde aiguë. 

Pour l'heure, seule la greffe de cellules souches hématopoïétiques issues de moelle ou de sang de cordon constitue une option de traitement curatif viable, mais elle reste inaccessible à la majorité des malades. La greffe de moelle est en effet réservée aux cas les plus sévères, et seulement 18 % des patients ont la chance d'avoir un donneur compatible HLA dans leur famille.

D. C.

Source : Le Quotidien du médecin