La médecine du futur sera génétique ou ne sera pas. Cette affirmation, maintes fois répétée, est souvent utilisée pour promouvoir une vision ultra-technicisée de l’exercice médical, mobilisant des ordinateurs surpuissants et des techniques de laboratoire révolutionnaires à grand renfort de startups et de projets made in Silicon Valley. Mais ce n’est pas tout à fait ainsi que Marion Aubert-Mucca, qui aborde la quatrième et dernière année de son internat de génétique, envisage sa discipline. Sans renier la part majeure qu’y joue l’innovation, cette Toulousaine y recherche surtout… le contact humain.
« En génétique, il y a le laboratoire, où l’on fait de la cytogénétique, de la biologie moléculaire, etc., et il y a la génétique clinique, qui est la partie qui m’intéresse le plus, décrit la jeune femme. On y voit des patients toute la journée, pour des consultations longues qui durent 45 minutes à une heure, où l’on reprend toute l’histoire personnelle, toute l’histoire familiale… » Bref, Marion entend exercer une médecine délibérément relationnelle, dimension à laquelle elle ajoute volontiers une technique clinique profondément humaine. « Je m’oriente tout particulièrement vers la génétique des maladies osseuses, précise-t-elle, et je trouve assez fascinant qu’on parvienne à orienter nos diagnostics en se fondant principalement sur des particularités faciales, par exemple. »
Entre pédiatrie et gynéco
Mais il ne faut pas s’y tromper : cette spécialité dont elle parle avec tant d’enthousiasme n’était pas du tout, pour Marion Aubert-Mucca, un choix prémédité, mûri depuis l’enfance. Comme beaucoup de médecins, l’Occitane a découvert sa passion chemin faisant. « Au départ, j’ai fait de la médecine pour faire de la pédiatrie », se souvient-elle, ajoutant qu’elle a ensuite envisagé la gynécologie-obstétrique. Mais au moment de passer l’internat, en 2018, elle s’est souvenue d’un interne de génétique qui l’avait marquée lors d’un stage d’externat en neuropédiatrie. « Je l’ai recontacté, et je me suis aperçue que la génétique était à la frontière entre la gynéco, où l’on fait beaucoup de prénatal, et la pédiatrie, raconte-t-elle. On y fait en effet beaucoup de prénatal, et beaucoup de nos patients sont des patients de neuropédiatrie. »
La voici donc partie pour l’internat de génétique à Toulouse, sa ville d’origine. Une décision dont elle se félicite encore aujourd'hui. « C’est une spécialité passionnante, on s’occupe de patients avec des maladies rares, voire ultra-rares, les connaissances sur le sujet changent tout le temps, on apprend en permanence, se réjouit-elle. C’est une spécialité en évolution constante, super dynamique. » Autre aspect qui l’intéresse : l’éthique. « Dans le contexte prénatal, notamment, nous avons des discussions très intéressantes, par exemple pour les demandes d’interruption médicale de grossesse, explique-t-elle. C’est très encadré, cela passe par des réunions pluridisciplinaires et nous y sommes sensibilisés dès l’internat. C’est particulièrement intéressant à mes yeux, parce que cela nous fait sortir de notre spécialité, nous devons prendre en compte la société, la loi, la psychologie, c’est l’un des moments où l’on travaille le plus en équipe. »
Bienvenue à Gattaca, mais pas tout de suite
La jeune femme est par ailleurs assez lucide sur l’imaginaire que ces questionnements éthiques peuvent susciter dans le grand public. « C’est vrai que la génétique fascine tout le monde, il y a tout un discours autour de films comme Bienvenue à Gattaca, de technologies comme Crispr-Cas9, nous avons souvent des questions sur la possibilité d’éditer notre génome », sourit-elle. Elle estime cependant que ces thématiques ne sont pas près de faire partie de son quotidien. « Bien sûr que cela me touche, mais il faut savoir que c’est assez lointain, avertit-elle. Il y a certes quelques essais thérapeutiques avec de l’édition du génome ex vivo dans certaines maladies rares qui ont commencé, mais si cela doit arriver un jour sur l’embryon, on sait que ce n’est pas pour tout de suite. »
Reste à savoir comment, concrètement, Marion se projette dans son futur métier. Dans sa spécialité, l’exercice hospitalier est le seul exercice véritablement envisageable… ce qui n’est pas sans susciter quelques questionnements chez elle, étant donné l’état actuel de l’hôpital. « C’est vrai que cela m’interroge, mais j’adore tellement ma spécialité et mon travail que j’arrive à passer outre », indique-t-elle. Mieux : plus qu’une carrière hospitalière, elle envisage une carrière hospitalo-universitaire. C’est d’ailleurs dans cette perspective qu’elle est en train d’effectuer un master 2 au Magistère européen de génétique de l’université de Paris. Quand Le Quotidien l’a contactée, elle était même en stage en Californie, dans un laboratoire de recherche de la prestigieuse UCLA. Une fois son internat terminé, elle envisage donc un clinicat, « a priori à Toulouse », et bien sûr une thèse de science.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?