EXTRAIRE et analyser l’ADN de fragments d’os de Néandertal âgés de 40 000 ans n’est pas une mince affaire. Cet exploit a nécessité les efforts d’une équipe internationale de 56 chercheurs appartenant à 22 institutions différentes pendant quatre ans.
D’abord, il y a eu une délicate extraction en salle blanche, avec une roulette de dentiste, à partir de spécimens provenant principalement de la grotte de Vindija en Croatie. Puis il a fallu éliminer les contaminants : sur un échantillon, plus de 95 % de l’ADN extrait provenait de bactéries et de micro-organismes qui avaient colonisé l’os au cours du temps. L’ADN de Néandertal lui-même était en petits morceaux et avait subi de nombreuses transformations chimiques. Une protection était aussi requise contre la contamination des échantillons par l’ADN très ressemblant des expérimentateurs humains. Il a donc été nécessaire de mettre au point de nouvelles méthodes d’analyse et de marquage du matériel génétique. Finalement, 1 milliard de fragments réassemblés ont permis une reconstitution de 60 % environ du génome de l’homme de Néandertal.
Sous la direction de Svante Pääbo, de l’Institut Max Planck, en Allemagne, la séquence du génome de Néandertal a été comparée aux séquences du génome de chimpanzé, du génome humain de référence et des génomes de cinq individus originaires respectivement de deux régions d’Afrique, d’Europe, de Chine et de Papouasie Nouvelle-Guinée. Selon Richard Green, premier auteur de l’étude, maintenant à l’université de Californie à Santa Cruz, et ses collaborateurs, les variations entre le génome de Néandertal et celui des hommes contemporains indiquent que la divergence entre les deux espèces remonte à une période dont l’éloignement est compris entre 270 000 et 440 000 ans.
Pourtant, cette séparation n’aurait pas toujours revêtu un caractère absolu. En effet, après une comparaison détaillée, chez Néandertal et les cinq individus choisis pour la recherche, de la variation de certaines régions précises du génome, les chercheurs observent que dans 1 à 4 % des cas, la similarité du génome de Néandertal avec celui des individus vivant hors d’Afrique est plus grande qu’avec celle des deux individus africains. Il y aurait donc eu un métissage relativement récent entre les lignées modernes non africaines et l’homme de Néandertal. Comme le signal d’ADN correspondant est retrouvé non seulement chez l’individu européen mais aussi chez les individus chinois et de Nouvelle Guinée, alors qu’aucune trace d’ossements de Néandertal n’a jamais été trouvée dans les deux dernières régions concernées, les chercheurs spéculent que le métissage a probablement eu lieu il y a 50 000 à 80 000 ans, au Moyen-Orient, au moment de la migration des premiers humains hors d’Afrique. Aussi surprenant que puisse être ce signal, il est très faible, a précisé Richard Green, et il n’y a pas de preuve que quelque chose d’important au niveau génétique ait été transmis par les hommes de Néandertal.
Avantage Homo sapiens.
Pour Svante Pääbo, « plus fascinant » que la trace de matériel génétique de Néandertal dans la population humaine contemporaine, est le fait que la connaissance du génome de Néandertal va permettre de découvrir les domaines génétiques uniques à Homo sapiens. Déjà, une vingtaine de régions particulières à l’homme moderne ont été isolées. Parmi celles-ci, des régions impliquées dans le développement cognitif, le métabolisme énergétique et des régions qui affectent le développement du squelette au niveau du crâne, de la clavicule et de la cage thoracique. Cette dernière observation n’est pas sans évoquer les différences anatomiques effectives qui existent entre l’homme de Néandertal et l’homme moderne. Affaire à suivre…
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?