Le prostate Cancer Gene 3 ou PCA3 et les gènes de fusion constituent deux biomarqueurs prometteurs susceptibles d’améliorer le diagnostic et l’évaluation du risque de progression du cancer de la prostate.
Par le Dr STÉPHANE LARRÉ (1) et le Pr JACQUES IRANI (2)
L’histoire naturelle du cancer de la prostate (CaP) est très variable, certaines formes étant peu agressives et pouvant rester stables de nombreuses années, d’autres évoluant rapidement vers des formes métastatiques. Avec plus de 60 000 cas diagnostiqués annuellement en France, le CaP est non seulement le cancer le plus fréquent de l’homme, mais aussi celui dont l’incidence augmente le plus vite. Néanmoins, plus de 50% des cancers sont diagnostiqués comme étant peu évolutifs, avec, dans cette population, un risque de décès de 20% à 20 ans sans traitement ni surveillance biologique. Il est ainsi devenu essentiel de d’une part identifier avec plus de précision les patients porteurs d’un cancer de la prostate et d’autre part, évaluer le plus précisément possible le risque de progression. On pourrait ainsi proposer un traitement immédiat aux formes à risque et un traitement différé associé à une surveillance active aux autres et éviter ainsi des traitements inappropriés. Cet article a pour but de faire le point sur deux marqueurs prometteurs, susceptibles d’améliorer le diagnostic et l’évaluation du risque de progression du CaP.
PCA3 ou Prostate Cancer Gene 3.
PCA3 (Prostate Cancer Gene 3) est un gène exprimant un ARN non codant qui est fortement exprimé dans 95% des CaP. Il est très faiblement exprimé dans l’hypertrophie bénigne de la prostate et pas du tout dans les autres tissus ou tumeurs. Cette surexpression confère une bonne spécificité à ce marqueur. Toutefois, tous les cancers ne l’expriment pas de façon détectable et il est de ce fait peu sensible, ce qui en fait un mauvais marqueur de dépistage, mais un bon marqueur diagnostique.
Un test urinaire basé sur ce gène a été développé par la société Californienne Gen-Probe sous le nom de ProgensaTM PCA3 test. Ce test est réalisé sur des urines prélevées après massage prostatique afin que des cellules prostatiques soient présentes. Le test mesure alors le niveau d’expression de PCA3 ainsi que le niveau d’expression de l’ARN messager du PSA. Cet ARNm n’a pas de lien avec le PSA sérique, mais permet de normaliser l’expression du gène PCA3 en fonction de la quantité de cellules prostatiques présentes. Le rapport des deux gènes représente le score PCA3. Plus le score est élevé et plus le risque d’avoir un CaP augmente.
Le test PCA3 à une meilleure valeur prédictive positive de la présence d’un cancer que le PSA. En utilisant un seuil de 50, la sensibilité du PCA3 était de 69% et la spécificité de 79%, ce qui doit être comparé au PSA qui, avec un seuil de 2,5 mg/ml, à une sensibilité identique au PCA3, mais une spécificité plus faible (60%).
Un test négatif n’exclut donc pas le cancer et un test positif est plutôt en faveur. Le test a ainsi été proposé, comme le rapport PSA libre sur total, en deuxième intention, pour confirmer l’intérêt d'une biopsie, en particulier lorsqu’une première série est négative et que le tableau clinique est en faveur d’un CaP (toucher rectal, PSA, antécédents familiaux). Si le test est positif, il est alors licite d’être plus interventionniste dans la recherche du cancer en réalisant par exemple de nouvelles biopsies, de façon étendue ou en incluant la zone de transition parfois difficilement accessible.
Cette approche doit toutefois être nuancée par le fait que la valeur prédictive du test dépend de la prévalence de CaP dans la population étudiée. Lorsque la prévalence du cancer diminue, comme par exemple après une première série de biopsies négative, la valeur prédictive positive diminue aussi avec de ce fait un risque de faux positifs plus élevé. Si on considère, par exemple, la prévalence du cancer chez les patients ayant une biopsie de la prostate de 40%, et une sensibilité et une spécificité de 69% et 79% respectivement du test, la valeur prédictive positive du test PCA3 est alors de 69%. Si, en revanche, on analyse la population des patients ayant eu une première série de biopsie négative, et que l’on considère que 20% d’entre eux ont un CaP, la valeur prédictive positive n’est alors plus que de 45%.
Le test a aussi été proposé dans la stadification du cancer afin de discriminer plus finement les patients candidats à une surveillance active ou un traitement radical. En effet, contrairement au PSA, le score PCA3 n’est pas lié au volume prostatique. En revanche, le score est lié au volume tumoral et de ce fait il est également plus élevé pour des tumeurs plus avancées en stade ou en score de Gleason. Dans ce cas de figure, bien que potentiellement intéressante, l’utilisation du PCA3 reste controversée et on ne sait pas pour l’instant si son emploi permettrait d’identifier avec plus de certitude les patients pouvant bénéficier d’une surveillance active ou d’un traitement radical.
Gènes de fusion.
La fusion de gènes est un mécanisme très fréquent dans les phénomènes de carcinogenèse. Deux gènes distants se retrouvent côte à côte du fait de remaniements chromosomiques et l’expression de l’un peut alors entraîner l’expression de l’autre normalement silencieux. Si ce gène est un oncogène, alors cette fusion favorisera le cancer. L’exemple le plus connu est la translocation t(9,22) affectant certaines leucémies myéloïdes chroniques entraînant une fusion abl-bcr1 et une activation de récepteurs tyrosine kinase en aval. L’intérêt de ces fusions est qu’elles peuvent être ciblées par certains traitements (l’imatinib ou Glivec qui a été développé spécifiquement pour cette fusion) ou encore avoir une valeur pronostique. Ces fusions sont spécifiques du cancer et peuvent être utilisées à ce titre comme marqueur diagnostique initial ou de récidive.
Même si ces fusions sont beaucoup plus difficiles à identifier dans les tumeurs épithéliales, Tomlins à mis en évidence, en 2005, dans le CaP, la fusion du gène TMPRSS2 avec de nombreux gènes de la famille ETS qui sont des facteurs de transcription. La plus fréquente est la fusion avec ERG qui est un oncogène (Figure 1). Cette fusion est trouvée dans environs 50 % des cancers de la prostate, y compris à un stade précoce, et elle est associée à des formes plus agressives dans la majorité des publications.
Cette fusion a aussi pu être détectée dans le sang et dans l’urine des patients porteurs de CaP et son intérêt en clinique est en cours d’évaluation en particulier en association avec PCA3.
Conclusion.
Il n’existe pas pour l’instant de marqueur unique permettant de prédire avec une précision satisfaisante l’évolution d’une tumeur prostatique. De nombreux marqueurs potentiels existent, mais leur application en pratique courante est le point faible de la recherche actuelle. A ce jour, c’est l’association de biomarqueurs avec les données cliniques, anatomopathologiques et de l'imagerie qui semble l’approche la plus prometteuse, en particulier si leur analyse est renforcée par les outils informatiques.
(1)Nuffield Department of Surgery, University of Oxford, John Radcliffe Hospital, Oxford, Royaume-Uni.
(2)Urologie, CHU la Milétrie, Poitiers.
Références
-Kirby RS, Fitzpatrick JM, Irani J.: Prostate cancer diagnosis in the new millennium: strengths and weaknesses of prostate-specific antigen and the discovery and clinical evaluation of prostate cancer gene 3 (PCA3). BJU Int. 2009 Feb;103(4):441-5. Epub 2009 Jan 9.
-Molinié V, Beuzeboc P, Mahjoub WK et les membres du sous-comité prostate du Comité de cancérologie de l’Association française d’urologie: Biologie moléculaire et cancer de prostate : évolution ou révolution ? Ann Pathol. 2008 Oct;28(5):354-62
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