Ce 26 octobre est organisée la première journée mondiale dédiée à l'amylose par la fédération mondiale des associations de patients, l'Amyloidosis Alliance. Au cours des études de médecine, l'amylose n'est abordée qu'à la marge en France.
Selon le Pr Sophie Georgin-Lavialle, coordinatrice du centre de référence des maladies auto-inflammatoires et des amyloses inflammatoires (Ceremaia) de l’hôpital Tenon (AP-HP), la situation a même tendance à se dégrader : « Il y a quelques années, on avait introduit des heures consacrées à l'amylose dans les cours de préparation aux épreuves nationales classantes (ECN), explique-t-elle. Ces cours ont été supprimés cette année avec la réforme des études du deuxième cycle. »
« Cette année, on ne m'a pas demandé d'actualiser les cours sur l'amylose », complète amèrement le Pr Arnaud Jaccard, chef du service d’hématologie clinique et de thérapie cellulaire au CHU de Limoges et coordonnateur du centre national de référence pour l’amylose.
Insuffisance cardiaque et syndromes néphrotiques
Bien que classée comme maladie rare, l'amylose a un poids non négligeable et serait responsable d'environ 15 % des syndromes néphrotiques. Par ailleurs, « 13 % des insuffisances cardiaques à fonction d'éjection préservée sont causées par une amylose, ajoute le Pr Thibaud Damy, coordinateur du centre de référence des amyloses cardiaques. La question du diagnostic est alors cruciale car les traitements classiques de l'insuffisance cardiaque aggravent l'amylose ! ». C'est là tout le nœud du problème : il faut en moyenne quatre ans pour établir un diagnostic. Une durée qui fait enrager les associations alors que des traitements efficaces existent désormais.
Avec des manifestations cliniques peu discriminantes et une multitude de causes possibles, l'amylose se caractérise par un dépôt d'agrégation de protéines fibrillaires dans différents organes. Les organes les plus touchés sont le cœur et le rein : 95 % des patients ont une amylose cardiaque et/ou rénal, et le cœur est touché dans 60 % des cas. « Ce qui entraîne des retards de diagnostic, c'est de caractériser la protéine impliquée, parmi la trentaine connue », explique le Pr Frank Bridoux, chef du service de néphrologie, de dialyse et de transplantation rénale au CHU de Poitiers et coordonnateur du centre national de référence pour l’amylose AL.
Il existe trois catégories définies : les amyloses AL liées à des dépôts d’immunoglobulines, les amyloses AA liées à un dépôt de protéines inflammatoires et les amyloses héréditaires à transthyrétine. Dans les amyloses AL et héréditaires, le dépôt de protéines fibrillaires est la cause de la maladie. Dans le cas des amyloses AA, la maladie est une conséquence d'une inflammation chronique, dont elle constitue dans 90 % des cas la première manifestation clinique. « Il existe de multiples raisons expliquant une inflammation chronique : infection chronique, maladie génétique, tumeur associée à l'infection…, indique le Pr Sophie Georgin-Lavialle coordinatrice du centre de référence des amyloses AA. Trouver la bonne peut être long. »
Des examens coûteux pas toujours remboursés
Outre le manque de connaissances, les associations pointent l'insuffisance de moyens. « Il existe très peu de centres équipés pour procéder à une analyse des dépôts protéomiques, détaille le Pr Bridoux. Par ailleurs, certains examens qui doivent être faits de façon répétée, comme les dosages protéiques, coûtent 80 euros et ne sont pas remboursés. C'est une double peine pour les patients que la maladie met dans une situation économique délicate. »
Les responsables des centres de référence dénoncent aussi le manque d'études épidémiologiques. Le Pr Damy est coordinateur du centre de référence des amyloses cardiaques. « À l'occasion d'une étude menée avec les données du système national des données de santé (SNDS), nous avions estimé à plus de 6 000 le nombre d'amyloses héréditaires à transthyrétine, mais il y a un sous-diagnostic important, précise-t-il. Selon des études espagnoles, 3,5 à 4 % des personnes de plus de 70 ans souffrent d'amylose à transthyrétine. »
Révolutions thérapeutiques
Le sous-diagnostic est d'autant plus dommageable que les nouveaux traitements de l'amylose sont particulièrement efficaces, s'ils sont pris à temps. Dans l'amylose AL, cela s'est traduit par l'arrivée du daratumumab. « On est à 92 % de patients répondeurs, se réjouit le Pr Jaccard. L'espérance de vie des malades est excellente, sauf pour les patients qui arrivent trop tard avec un cœur très endommagé. Il y a une régression des dépôts, variable selon les patients et les organes. La vieille idée qui voulait que les dépôts ne puissent pas régresser n'a plus cours ». Lors de l'étude de phase 3 Andromeda chez 200 patients traités par daratumumab + chimiothérapie, 59 % des patients vont mieux à un an et 52 % présentent une amélioration d'au moins 30 % de l'atteinte rénale.
ARNi et thérapie génique
L'amylose héréditaire a connu sa propre révolution avec l'arrivée sur le marché de traitements par ARN interférent (ARNi) comme le patisiran de Sanofi. Ces médicaments bloquent l'expression du gène TTR codant pour la transthyrétine, en attendant la thérapie génique basée sur CRISPR-Cas9, dont les premiers essais ont été publiés en juin dernier dans le « New England Journal of Medicine ». L'amylose héréditaire est un candidat idéal pour expérimenter ces traitements car, comme l'explique le Pr Andoni Echaniz-Laguna du service de neurologie de l'hôpital Bicêtre (AP-HP), « si on supprime le gène TTR, on ne rencontre pas de problème majeur. Il faut simplement une supplémentation en vitamines ».
La Haute Autorité de santé a récemment mis à jour les protocoles nationaux de diagnostic et de soins (PNDS) de l'amylose AA et de l'amylose familiale. Les médecins généralistes doivent aussi être attentifs à la combinaison de symptômes peu spécifiques, comme la fatigue et l'essoufflement, et d'autres plus typiques comme un œdème des paupières, un syndrome du canal carpien ou encore une grosse langue avec marques de dent. Les amyloses héréditaires ont la particularité de se manifester en premier par des atteintes neurologiques à type de démangeaisons.
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