Une première mondiale

Un criblage à partir de cellules souches embryonnaires humaines

Publié le 01/04/2011
Article réservé aux abonnés

LA MISE EN PLACE de nouvelles stratégies thérapeutiques repose principalement sur une meilleure compréhension des mécanismes impliqués dans le développement des maladies humaines. Jusqu’à aujourd’hui, ces études mécanistiques ont souvent reposé sur l’utilisation soit de lignées de cellules génétiquement modifiées soit de cellules issues de prélèvements réalisés chez le patient. Ces ressources cellulaires ont largement démontré leur utilité mais également leur limitation. Les cellules génétiquement modifiées ne reproduisent que partiellement les caractéristiques biologiques des cellules qu’elles sont censées modéliser et les cellules issues de prélèvements chez le patient sont difficiles à obtenir, voire même impossible dans certains cas.

Les cellules souches embryonnaires (CSE) humaines sont dérivées d’embryons obtenus après fécondation in vitro et n’ayant plus de projet parental. Les CSE ont deux caractéristiques spécifiques, qui les distinguent des autres cellules souches. Premièrement, on peut les multiplier à l’infini en laboratoire- c’est la seule cellule immortelle du développement humain. Deuxièmement, elles peuvent donner naissance à tous les types cellulaires de l’organisme. La possibilité d’obtenir, au cours de diagnostique pré-implantatoire, des cellules souches embryonnaires humaines porteuses de la mutation causale d’une maladie génétique représente donc, en théorie, un outil pertinent pour étudier, dans un environnement humain et physiologiquement relevant, les conséquences délétères de la mutation.

Myotonie de Steinert.

C’est le pari qu’ont relevé les chercheurs d’I-Stem en utilisant des lignées de cellules souches embryonnaires humaines porteuses de la mutation causale de la myotonie de Steinert. En se basant sur la capacité de différenciation de ces cellules, l’équipe co-dirigée par Cécile Martinat et Marc Peschanski a ainsi pu étudier l’effet de la mutation de cette pathologie au niveau des neurones moteurs. Ces neurones, qui servent à transmettre les messages entre le cerveau et le muscle, sont normalement localisés au niveau de la moelle épinière et sont donc très difficilement analysables chez les patients. Ils ont ainsi montré une atteinte précoce dans la capacité de ces neurones moteurs « malades » à se connecter au muscle, créant chez le patient des désordres myotoniques.

Afin de mieux comprendre les mécanismes impliqués dans ce défaut de connexion, les chercheurs ont alors identifié que les neurones moteurs « malades » présentaient un défaut d’expression de deux gènes de la famille SLITRK. De façon intéressante, ils ont montré que la correction de ce défaut d’expression restaurait les anomalies des neurones moteurs « malades » alors que la création de ce défaut d’expression dans des neurones moteurs « sains » aboutissait à des désordres comparables à ceux observés chez les malades.

Un potentiel unique.

L’ensemble de ce travail illustre donc le potentiel unique qu’offrent les cellules souches embryonnaires humaines pour mieux comprendre les mécanismes qui conduisent à une pathologie. Grâce aux techniques de recherche pharmacologique modernes que l’on regroupe sous le terme de « criblage », il est ensuite possible de rechercher dans les gigantesques banques de composés mises en place par l’industrie ceux, rares, qui seraient susceptibles de contrecarrer ces mécanismes pathologiques et devenir les thérapeutiques de demain. En utilisant les mêmes cellules embryonnaires porteuses de l’atteinte génétique responsable de la myotonie de Steinert, les chercheurs d’I-Stem ont ainsi pu commencer des criblages de molécules à la recherche de composés dont l’administration aux patients pourrait contrecarrer les phénomènes pathologiques que ces cellules leur ont permis de reproduire en laboratoire.

Cell Stem Cell 8, 1-11, 8 avril 2011.

Article rédigé avec l’aide du Dr Sebastien Duprat, responsable du partenariat Direction Scientifique, CESI/I-STEM

* Directeur d’I-Stem (Inserm/UEVE UMR 861).

Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8936