DE NOTRE CORRESPONDANTE
L'ÉPILEPSIE est l'affection neurologique la plus fréquente après la migraine et concerne en France près de 1 % de la population. Les épilepsies généralisées idiopathiques représentent jusqu'à un tiers des épilepsies et correspondent aux crises pour lesquelles il n'y a pas de lésion cérébrale décelée ou suspectée. Une prédisposition génétique complexe est vraisemblablement à leur origine, mais les anomalies génétiques sous-jacentes demeurent largement inconnues.
Récemment, des chercheurs ont décrit un syndrome de microdélétion sur le chromosome 15 (15q13.3) élevant le risque de retard mental avec épilepsie, de schizophrénie, d'autisme et d'autres manifestations neuropsychiatriques.
La région délétée contient au moins 7 gènes, dont le gène CHRNA7 qui encode une sous-unité (alpha7) du récepteur nicotinique de l’acétylcholine et pourrait contribuer au phénotype épileptique. C'est dans ce contexte qu'un consortium international de chercheurs, dirigé par le Dr Thomas Sander (Université de Cologne, Allemagne) et comprenant en France les Drs Pierre Genton (hôpital Henri-Gastaut, Marseille) et Pierre Thomas (hôpital Pasteur, Nice), a cherché à savoir si la microdélétion 15q13 peut majorer le risque d'épilepsies idiopathiques communes (EIC). Leur étude est publiée dans la revue « Nature Genetics ».
Deux séries cas-témoins.
Les chercheurs ont dépisté les variants de la région 15q13 chez les individus de deux séries de cas-témoins. Dans la première série, composée de 647 patients-cas affectés d'EIC et d'origine européenne (série EPICURE) et de 1 202 témoins allemands, la microdélétion 15q13 a pu être détectée chez 7 des 647 patients-cas, mais chez aucun témoin.
Dans la seconde série, composée de 576 patients-cas affectés d'EIC et venant de Suisse, d’Amérique du nord et d’Europe du nord, comparés à 2 497 témoins américains d'origine européenne, la microdélétion 15q13 a encore été détectée chez 5 des 576 patients-cas alors qu'elle était indécelable chez tous les individus témoins.
Au total, les microdélétions 15q13 ont donc été trouvées chez 1 % des personnes atteintes d'épilepsie généralisée idiopathique (12/1 223), mais étaient absentes dans la population témoin (3 700 personnes non affectées).
« Les microdélétions 15q13 représentent donc le facteur de risque le plus fréquent identifié à ce jour pour les épilepsies communes », soulignent les chercheurs.
La plupart des sujets portant la microdélétion 15q13 souffrent d'une épilepsie sans les autres manifestations précédemment associées à cette microdélétion comme le retard intellectuel, l'autisme, ou la schizophrénie. « Par conséquent, nos résultats étendent le spectre phénotypique lié à la délétion 15q13 aux syndromes communs d'épilepsie généralisée idiopathique sans l'association aux manifestations neuropsychiatriques précédemment rapportées », notent les chercheurs.
CHRNA7, tout premier candidat.
La région délétée héberge au moins 7 gènes qui pourraient contribuer au phénotype épileptique, dont le gène CHRNA7 qui représente le tout premier gène candidat.
Plusieurs arguments plaident en effet pour un rôle du gène CHRNA7 dans l'épileptogenèse.
Premièrement, de nombreuses données suggèrent que la perturbation fonctionnelle d'un canal à ion sur les neurones joue un rôle pivot dans l'épilepsie idiopathique commune. Deuxièmement, les récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine avec sous-unité alpha 7 sont présents dans tous le SNC ; et le CHRNA7, en particulier, est fortement exprimé dans le thalamus réticulaire, qui joue un rôle central dans la génération des crises généralisées observées dans l'EIC. Enfin, les gènes CHRNA2, CHRNA4 et CHRNB2, qui encodent respectivement les sous-unités alpha2, alpha4 et bêta, jouent un rôle causal dans l'épilepsie nocturne autosomale dominante du lobe frontal (ADNFLE).
« Nature Genetics », 11 janvier 2009, Helbig et coll., DOI : 10.1038/ng.292.
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