LES AUTEURS avaient récemment identifié, au moyen d’une étude d’association génomique GWA (« genome-wide association »), plusieurs polymorphismes SNP en relation avec les taux d’urate et la goutte dans une région du chromosome 4 contenant le gène de l’ABCG2, connu jusqu’ici comme une protéine de résistance multi-médicamenteuse.
En faisant exprimer de l’ABCG2 humain par des ovocytes de Xenopus laevis (une grenouille d’origine africaine), les Américains ont d’abord montré que l’accumulation d’urate était fortement réduite (de 75,5 %) dans ces ovocytes par rapport aux contrôles. Les ovocytes exprimant l’ABCG2 avaient, par ailleurs, des concentrations en urate inférieures à celles observées dans des ovocytes exprimant un transporteur d’urate déjà connu, le MRP4 (un membre de la famille des transporteurs ABC). L’action sur les concentrations d’urate était abolie par le fumitremorgine C (FTC), un inhibiteur spécifique de l’ABCG2, ou après la création d’une mutation au niveau du gène de l’ABCG2.
Chez les mammifères, le tube proximal est le site principal de la régulation rénale de l’urate. Les chercheurs ont donc étudié l’accumulation d’urate dans des cellules épithéliales rénales natives LLC-PK1, après inhibition de l’ABCG2 par le FTC, et observé une chute significative de l’excrétion d’urate par rapport à des contrôles. L’ABCG2 a ensuite pu être localisé au niveau du pôle apical de la bordure en brosse, ce qui suggère que cette protéine est un transporteur impliqué dans la sécrétion d’urate.
Les travaux précédents des auteurs avaient mis en évidence l’importance particulière du SNP rs2231142 (au niveau de l’exon 5 du gène de l’ABCG2) dans la régulation des taux d’urate. Afin de déterminer si ce polymorphisme avait un rôle causal dans l’élévation des taux d’urate, et qu’il ne s’agissait pas d’une pure association statistique, une mutation a été créée au niveau du résidu glutamine en position 141 du gène ABCG2 (Q141K). L’observation d’une réduction de 54 % des taux de transport d’urate au niveau des ovocytes exprimant Q141K, par comparaison avec les ovocytes exprimant la forme sauvage de l’ABCG2 (p < 0,001), démontre que le variant Q141K est une mutation perte de fonction causale.
Une relation hautement significative.
Pour vérifier la validité de cette identification dans la population générale, les Américains ont utilisé des données génomiques provenant d’une cohorte de 10 902 Blancs et 3 881 Noirs ayant participé à l’étude ARIC (Atherosclerosis Risk in Communities). Il existait une relation hautement significative entre l’allèle rs2231142 T et les taux élevés d’urate après ajustement pour l’âge, le sexe, l’IMC (indice de masse corporelle), la consommation d’alcool et la prise de médications anti-hypertensives, et une corrélation avec la goutte (odds ratio ajusté de 1,68 par allèle de risque pour l’ensemble des sujets).
Les auteurs ont calculé qu’il est possible de rattacher au moins 10 % de l’ensemble des cas de goutte recensés dans la population blanche de cette cohorte à la mutation Q141K.
La découverte du transporteur d’urate ABCG2 et l’identification d’une mutation perte de fonction corrélée à des concentrations sériques élevées en urate et à la goutte peut avoir des retombées importantes. Si l’on prend en considération les insuffisances du traitement actuel de la goutte (21 % seulement des patients goutteux recevant l’agent anti-urique le plus courant obtiennent des taux d’acide urique satisfaisants), la perspective de nouveaux traitements ciblant le transporteur ABCG2 est séduisante.
(1) Woodward OM, Köttgen A, Coresh J, Boerwinkle E, Guggino WB, Köttgen M. Identification of a urate transporter, ABCG2, with a common functional polymorphism causing gout. Proc Natl Acad Sci USA (2009) Publié en ligne
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