« Un diagnostic et un traitement plus précoce chez ces patients devraient contribuer à réduire la pneumonie chronique, la maladie autoimmune, voire les lymphomes qui se développent chez 10 à 20 % des patients affectés d’hypogammaglobulinémie commune variable, explique au « Quotidien » le Pr Harry Hill, immunologue et pédiatre à l’université médicale d’Utah. De plus, l’identification de tels gènes dans ces maladies rares permet de sensibiliser les médecins qui sont alors plus enclins à demander les tests appropriés pour établir un diagnostic. »
Le déficit immunitaire commun variable (DICV) est un déficit immunitaire primitif survenant chez environ une personne sur 20 000. Il est caractérisé par un faible taux sanguin d’anticorps (immunoglobulines), une faible réponse des anticorps spécifiques après vaccination, et des infections récidivantes. Certains patients développent une auto-immunité ou un cancer. La maladie débute dans l’enfance ou, plus souvent, à l’âge adulte. Si la majorité des patients répondent bien à l’immunoglobulinothérapie substitutive, il existe souvent un retard de plusieurs années entre le début des signes et le diagnostic.
Tel est le cas de Mme R.J. âgée de 56 ans, qui souffrait depuis 17 ans d’infections à répétition des sinus et des poumons s’aggravant avec le temps, et de surcroît avait développé une sévère infection intestinale, avant d’être vue et diagnostiquée par le Pr Harry Hill. Grâce à une immunoglobulinothérapie, son état de santé s’est amélioré.
Récemment, plusieurs causes génétiques ont été identifiées mais n’expliquent que 15 % des cas de DICV - parmi lesquelles des mutations des gènes ICOS, CD19, CD81, CD20, CD21, TWEAK, CTLA4, LRBA, GATA2, CXCL12, NFKB1 et FKB2.
Mme R.J. ne présentait aucune de ces mutations. Apprenant que plusieurs membres de sa large famille étaient similairement affligés, le Pr Hill et son équipe ont entrepris d’évaluer cette famille, avec notamment un séquençage de l’exome et une hybridation génomique comparative chez les membres affectés et non affectés. Ils ont ainsi découvert chez de nombreux membres une ou deux copies manquantes du gène IFZF1 ; ce gène code pour la protéine IKAROS, un facteur de transcription hématopoïétique.
Au même moment, le Dr Mary Ellen Conlay et son équipe de l’Université Rockefeller à New-York découvraient le même gène muté dans une autre famille affectée de DICV. Le Dr Conlay contacta l’équipe d’Utah et coordonna un effort international incluant la participation de chercheurs à Oslo, Zurich et Paris (A. Cobat et J. L. Casanova).
Au total, 29 membres de 6 familles portant le même gène muté et partageant les symptômes sont décrits dans une étude publiée dans le « NEJM ».
Les 6 familles portent des mutations hétérozygotes différentes du gène IFZF1 ; dans 2 familles, il s’agit d’une mutation de novo chez l’individu affecté. Toutes les mutations (substitutions ou délétions) altèrent le site fonctionnel de la protéine IKAROS, ce qui suggère que la protéine mutée ne peut réguler correctement le développement des lymphocytes B.
De fait, les membres affectés développent progressivement une baisse marquée des lymphocytes B et des immunoglobulines sériques. Si la plupart sont prédisposés aux infections bactériennes, quelques-uns restent a- ou pauci-symptomatiques. Parmi les 29 patients, 2 ont développé une leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) dans l’enfance.
Cette découverte ouvre la voie à une médecine personnalisée pour ces patients. « Dans la large famille étudiée, quelques membres jeunes sont porteurs de l’anomalie génétique mais exempts jusqu’ici d’infection sérieuse, et nous les surveillerons étroitement pour débuter une immunoglobulinothérapie intraveineuse ou sous-cutanée dès l’apparition de complications infectieuses », précise au « Quotidien » le Pr Harry Hill. « Dans le futur, peut-être même pourrons-nous développer de nouvelles thérapies basées sur l’activité d’IKAROS afin de mieux traiter ces patients et à moindre coût », espère-t-il.
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