Les services d’assistance médicale à la procréation (AMP) se heurtent à l’âge de plus en plus avancé des couples qui s’adressent à eux. Mais des solutions existeraient tout de même, selon les médecins et chercheurs rassemblés à l’occasion des journées GynFoch à Paris.
Est-il possible d’améliorer les taux de succès de l’assistance médicale à la procréation (AMP) ? Seule une tentative de fécondation in vitro (FIV) sur cinq en France donne lieu à une naissance vivante, selon l’Agence de la biomédecine (ABM). D’après un autre travail, commandé par l'Institut national d'études démographiques (Ined) en 2016, huit ans après le début d'un parcours d’AMP, 41 % des couples deviennent effectivement parents à la suite d'une FIV, et 11 % à la suite d'un acte de procréation classique.
Des chiffres insuffisants, d’autant plus que les situations sont très hétérogènes. Les experts rassemblés à l'occasion des rencontres GynFoch (du 7 au 8 mars 2024), organisées par l’hôpital Foch de Suresnes, s'accordent sur la nécessité d'améliorer les techniques d’AMP. Mais les nouvelles pistes proposées sont encore bien mal déblayées.
Le PRP, un effet de mode ?
Ainsi, certains proposent l’utilisation du PRP, ou plasma riche en plaquettes, pour améliorer la fonction ovarienne et la qualité des ovules. Le PRP est surtout employé en médecine esthétique et en orthopédie pour améliorer la cicatrisation. Les études menées sur son utilisation en médecine de la reproduction « sont peu nombreuses et comprennent peu de patients », reconnaît le Pr Fady Sharara, directeur médical du centre de médecine reproductive de Virginie.
Toutefois, en 2022, une étude sur 510 femmes présentant une mauvaise réponse à la stimulation ovarienne a été menée en Turquie. Les participantes (40 ans en moyenne) ont bénéficié d'une injection intra-ovarienne de PRP autologue. Par rapport à ce qui était observé lors des cycles précédant l'injection, les femmes avaient un meilleur compte des follicules antraux, un taux d'AMH plus élevé, un taux de FSH plus faible. Le nombre d'ovocytes matures obtenus à chaque ponction était également plus important. Les chercheurs rapportent que 4,3 % des femmes ont conçu spontanément et que 92,9 % sont entrées dans un parcours de FIV. Parmi les patientes qui ont tenté une FIV, 65,8 % ont obtenu un embryon transférable, 17,5 % ont été enceintes et 11,4 % ont obtenu une grossesse vivante. Les auteurs restent prudents dans leurs conclusions, estimant que ce traitement « pourrait être envisagé chez les femmes ayant une mauvaise réponse ovarienne à la stimulation », mais que pour élargir son utilisation, « son efficacité clinique doit encore être démontrée dans des études plus larges. » Selon une autre étude roumaine réalisée sur 20 patientes, les effets d'un traitement par le PRP dureraient six mois.
Le Pr Michaël Grynberg, gynécologue du service de médecine de la reproduction et préservation de la fertilité à l’hôpital Antoine-Béclère, à Clamart, n’est pas convaincu par ce qu’il qualifie d’« effet de mode ». « La littérature rapporte bien des cas de femmes avec une très mauvaise réponse ovarienne ayant eu un enfant après une injection de PRP, mais il n’y a aucun moyen de savoir si c’est bien lié au traitement », analyse-t-il. L’injection de PRP est très pratiquée dans les pays à majorité musulmane, où le don d’ovocytes est mal vu pour des raisons religieuses.
En conclusion d’une présentation des dernières études sur le sujet, le Pr Sharara estime, quant à lui, que seule une catégorie bien précise de femmes est susceptible de correspondre à l'indication de cette nouvelle approche : âgées de moins de 42 ans, dont la FSH est inférieure à 20 UI/l, avec une AMH supérieure à 0,16 ng/ml et un indice de masse corporelle (IMC) inférieur ou égal à 35. « Le PRP a l'avantage d'être facile à produire, il suffit de centrifuger le sang de la patiente », rappelle-t-il.
Microbiote vaginal, la boîte de Pandore
Depuis la mise à jour de 2022 de ses recommandations sur la prise en charge des couples infertiles, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) préconise la réalisation d'une évaluation microbiologique vaginale avec score de Nugent et bactériologie standard. Il est également recommandé de traiter toute vaginose bactérienne symptomatique. « De nombreux travaux ont été menés sur les effets indirects de la flore vaginale », explique la Pr Marine Poulain, embryologiste et responsable du laboratoire de biologie de la reproduction du centre d'AMP de l'hôpital Foch. L’une des principales conclusions est que le manque de lactobacilles et d'acide lactique entraîne une dérégulation de la réponse immunitaire pro-inflammatoire. « Environ 20 % des femmes infertiles ont une dysbiose vaginale ; cependant, les méta-analyses échouent à montrer un effet des dysbioses sur les chances de naissances vivantes, peut-être par manque de puissance, précise la Pr Poulain. Le problème est que l'on n'y connaît pas grand-chose… ».
Les méta-analyses échouent à montrer un effet des dysbioses sur les chances de naissances vivantes
Pr Marine Poulain, embryologiste, hôpital Foch
En routine, la dysbiose vaginale est dépistée par le score de Nugent supérieur à 7 et la mesure du pH sur le prélèvement vaginal. Les études montrent que seule une minorité des femmes atteintes de dysbiose sont symptomatiques, ce qui limite la pertinence de ce score. « Et pourtant, les femmes asymptomatiques sont également à risque d'infections des voies génitales autres, d'infections sexuellement transmissibles (IST) et d’accouchement prématuré, explique la Pr Poulain. Certains centres utilisent déjà de la protéomique et de la métabolomique, mais dans la pratique clinique, nous en sommes encore à scruter la galaxie avec des jumelles. »
Le traitement ne peut reposer uniquement sur la destruction des bactéries anaérobies, mais doit aussi restaurer la flore vaginale, et passe par la prise de probiotiques per os. « Il faut aussi agir sur les modes de vie : sport, arrêt du tabac, tout en évitant les gommes à mâcher qui sont un facteur de risque de dysbiose », résume la Pr Poulain.
La maturation ovocytaire in vitro, le retour en grâce ?
La maturation in vitro n'est pas physiologique, et la technologie n'est pas encore tout à fait au point. Faute de sélection induite par la réponse à la stimulation, une majorité d'ovocytes n’est pas viable, ce qui est compensé par leur quantité. La technique est envisagée pour les femmes atteintes de syndrome des ovaires polykystiques (SOPK). « Ces femmes ont une réponse ovarienne à la stimulation qui peut être exagérée, rappelle le Pr Michel De Vos, chef du département du diagnostic et traitements de fertilité à la clinique Brussels IVF. On sait aujourd'hui obtenir d’excellents taux de grossesse avec une stimulation minimale, mais il y a quand même pas mal de complications : douleurs, gonflements des ovaires, torsion ovarienne, réponse folliculaire excessive. »
Dès la deuxième moitié des années 1990, des médecins sud-coréens ont mené une étude prospective (2). À partir des 1 280 ovocytes du départ, 85 embryons transférables ont été obtenus, pour 23 grossesses et 20 naissances vivantes. Au final, chacune des 17 patientes atteintes de SOPK a accouché. Des résultats similaires ont été obtenus l’année suivante dans le cadre d'une étude menée au Royaume-Uni, puis en Finlande (3). En 2015, une étude australienne menée sur 120 patientes n'avait pas trouvé de différence significative en termes de taux de grossesses obtenues soit par maturation in vitro, soit par FIV classique… mais un taux de grossesses vivantes diminué après maturation in vitro (4). En 2019, à l’hôpital Jean-Verdier de Bondy (AP-HP), une femme de 35 ans souffrant d’insuffisance ovarienne auto-immune a pu être enceinte de jumeaux, une première mondiale.
« C’est une méthode qui est revenue à l’ordre du jour avec le développement de la préservation ovocytaire des femmes atteintes de cancer qu’il serait dangereux de stimuler de manière classique », explique le Pr Grynberg.
En 2016, ses collègues du département de médecine reproductive à l’hôpital Antoine-Béclère ont démontré la non-infériorité des ovocytes maturés in vitro, prélevés lors de la phase folliculaire ou lutéale chez des patientes en attente de chimiothérapie néoadjuvante. « La sécurité de cette technique n'est pas encore pleinement évaluée, poursuit le Pr Grynberg. Il serait intéressant de parvenir à faire de la folliculogenèse in vitro. »
(1) P. Troude et al., Reproductive BioMedecine, août 2016. DOI:10.1016/j.rbmo.2016.08.010
(2)K. Cha et al, Fertility and Sterility, mai 2000 volume 73, issue 5, P978-983
(3) V. Söderström-Anttila et al., Human reproduction, février 2005 ;20(6):1534-40 ,
(4) M. Walls et al., Human Reproduction, janvier 2015, DOI: 10.1093/humrep/dev125
(5) Vu Ho et al., Human Reproduction, juin 2019, 4;34(6):1055-1064