Pour la deuxième année consécutive, vingt-deux sociétés savantes se sont réunies, à l’initiative du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, pour un congrès commun dédié aux problématiques spécifiques de la santé des femmes. L’occasion d’aborder ces questions de façon globale, en dépassant le seul aspect hormonal.
Ménopause, plaidoyer pour une consultation dédiée
Le congrès Paris Santé Femmes, qui s’est tenu virtuellement du 13 au 15 janvier, a été l’occasion de présenter les nouvelles recommandations du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) et du Groupe d’étude de la ménopause et du vieillissement hormonal (GEMVI) pour la prise en charge des femmes au début de la ménopause. « Au cours de ces vingt dernières années, la conception de la prise en charge de la ménopause a beaucoup évolué dans le sens d’une approche plus globale », souligne le Pr Nathalie Chabbert-Buffet (Paris). Ainsi, la nouvelle feuille de route revisite la façon d’appréhender cette période charnière et propose d’instaurer une première consultation de ménopause. « L’objectif est de pouvoir écouter les femmes, les encourager à exprimer leur ressenti, leurs symptômes, leurs interrogations et leurs inquiétudes et de répondre à leurs demandes. »
Si cette première consultation vise à mieux prendre en charge les symptômes et les plaintes des patientes directement associés à la ménopause (en abordant par exemple la prescription d’un éventuel THM), tel n’est pas son unique objectif. « Parce qu’elle signe l’entrée dans un nouvel état hormonal qui peut faciliter la survenue de certaines pathologies, la ménopause apparaît comme un moment idéal pour un check-up de santé », plaide en effet le Pr Florence Trémollières (Toulouse). D’après elle, cette première consultation de ménopause doit ainsi permettre d’évaluer individuellement les facteurs de risque de santé – risque cardiovasculaire, risque carcinologique et surtout risque fracturaire – que la carence œstrogénique peut aggraver.
Pour une cotation spécifique
Dans le même esprit, la première consultation de ménopause apparaît également comme un moment approprié pour rappeler divers messages de prévention visant notamment l’éviction de toxiques (tabac, alcool, etc.), la réduction de la sédentarité, l’adoption d’un régime alimentaire plus adapté (éventuellement supplémenté en vitamine D), etc.
Enfin, cette consultation peut aussi constituer l’occasion de rechercher des symptômes pas toujours exprimés par les patientes, à l’instar de troubles génito-urinaires.
« Au total, une première consultation de ménopause peut durer environ 45 minutes », prévient le Pr Trémollières. Aussi considère-t-elle que cette consultation particulière devrait, pour être encouragée, bénéficier d’une cotation spécifique.
Ménométrorragies : le ressenti des patientes prime
Touchant 10 à 35 % des femmes, les ménométrorragies représentent un tiers des motifs de consultation en gynécologie. Les progrès dans leur prise en charge ont conduit le CNGOF à réactualiser ses recommandations. En cours de finalisation, la nouvelle mouture acte plusieurs changements de paradigme. D’abord, souligne le Pr Jean-Luc Brun (Bordeaux), le diagnostic des ménorragies repose désormais avant tout sur le ressenti des femmes : « si la patiente se plaint de saignements anormalement abondants, on estime qu’elle présente effectivement des ménorragies à prendre en compte et à explorer », indique-t-il. Alors que les précédentes recommandations, publiées en 2008, imposaient de calculer un score de saignement, le recours à cet outil n’est ainsi plus conseillé aujourd’hui qu’en cas de doute ou chez l’adolescente.
Deuxième évolution : le renforcement de la place décisionnaire de la patiente dans le choix de son traitement. En la matière, c’est désormais le souhait de la patiente de conserver ou non ses possibilités de procréation qui doit en effet guider la prise en charge, et non plus l’âge et la parité.
Les traitements médicamenteux insuffisants
Sur le plan thérapeutique, les options préconisées dépendent de l’étiologie (idiopathiques, polypes, myomes, adénomyose). Mais globalement, les nouvelles recos font la part belle au stérilet hormonal au lévonorgestrel ainsi qu’aux techniques chirurgicales.
Un choix par défaut, comme le souligne le Pr Brun. « Les stratégies thérapeutiques proposées dans ces recommandations mettent en lumière l’insuffisance des traitements médicaux actuellement disponibles dans notre pays pour la prise en charge des ménorragies, souligne le gynécologue. Un certain nombre de médicaments, notamment les anti-aromatases et certains progestatifs, n’ont pas d’AMM en France ou n’ont pas d’indication dans le traitement des ménorragies. L’ulipristal, largement utilisé pour le traitement des ménorragies liées aux myomes à partir de 2012, a été retiré du marché en raison d’une alerte sur son hépatotoxicité. Quant à certains progestatifs prescrits en France dans les ménorragies, le risque de méningiome divulgué par l’ANSM a eu raison de leur utilisation. »
Faute de traitements médicamenteux, « les techniques interventionnelles (résection endométriale, embolisation des artères utérines et hystérectomie par voie mini-invasive) ont trouvé une place plus importante dans le traitement des ménorragies », poursuit le spécialiste, qui appelle à améliorer l’accès à ces nouvelles méthodes.
Que reste-t-il aux macroprogestatifs ?
Traditionnellement très fréquent en France, parfois hors AMM, le recours aux macroprogestatifs est de plus en plus encadré par les autorités sanitaires, compte tenu de leur profil de sécurité.
À tort, regrettent certains gynécologues qui craignent un report vers la chirurgie dans certaines indications, comme les ménorragies.
Mais pour le Dr Teddy Linet (Challans, Vendée), force est de constater que les données de la littérature incitent plutôt à lever le pied.
D’après le gynécologue, conformément aux recommandations de l’ANSM, aucun des trois macroprogestatifs phares ne devrait être prescrit seul en contraception, aucun n’ayant fait la preuve de son efficacité dans cette indication (pas d’indice de Pearl calculé en conditions réelles d’utilisation).
De même, en accord avec les préconisations de l’ANSM, le gynécologue souligne que les macroprogestatifs n’ont pas leur place dans la prise en charge du syndrome prémenstruel. « Des publications, pour cette indication, mettent en évidence un échec des macroprogestatifs », résume-t-il.
Par ailleurs, si l’ANSM considère que le Lutényl® et le Lutéran® peuvent continuer à être utilisés pour traiter les mastodynies sévères, le Dr Linet rappelle qu’aucune étude n’a jamais montré l’efficacité des macroprogestatifs dans cette indication. De même, si l’ANSM ne coupe pas court à l’utilisation de l’acétate de chlormadinone dans l’endométriose, le Dr Linet, conseille plutôt d’utiliser le diénogest à 2 mg.
« Au total, est-ce qu’il reste encore aujourd’hui une place pour les macroprogestatifs ? La littérature semble loin d’en être persuadée », conclut le gynécologue.