Outre le confort qu’elle procure, l’analgésie péridurale (APD) est reconnue comme un facteur de sécurisation des accouchements car elle évite le recours à une anesthésie générale en cas de complication du travail. Minimisant l’effort cardiorespiratoire que représente l’accouchement, elle peut permettre à des patientes porteuses de comorbidités d’accoucher par voies naturelles (2). Mais pour la plupart des femmes l’APD reste avant tout le choix d’un accouchement où la douleur peut être gérée au plus près de leur souhait. L’APD obstétricale est d’ailleurs un exemple d’exigence : les patientes doivent pouvoir pendant le travail obstétrical se mobiliser, déambuler si elles le souhaitent, tout en bénéficiant d’une analgésie efficace.
APD légère
Cette « analgésie différentielle » permettant le blocage sélectif des fibres nerveuses véhiculant la douleur a été développée dans les 20 dernières années. Elle repose sur l’association d’anesthésiques locaux (AL) très dilués à des adjuvants principalement les morphiniques liposolubles de courte durée action. Administrés en induction puis dans le mélange d’entretien de l’APD ils permettent une réduction de 80 à 90 % des besoins en AL (3). Ces modalités nommées « low doses » ou « légères » APD ont permis de limiter voire gommer les effets indésirables rapportés initialement à l’APD obstétricale. Il est clairement établi désormais que cette APD « légère » n’augmente pas le taux de césarienne, même quand elle est initiée en tout début du travail, n’allonge pas la durée de travail (4), ne nécessite pas un recours accru aux oxytociques (5) et n’est en rien associée à la survenue d’hémorragies du post-partum. Il reste peut-être quelques incertitudes sur l’association entre APD et recours aux extractions instrumentales. Il n’est pas certain de pouvoir les lever un jour tant la réalisation d’études randomisées avec et sans péridurale paraît difficile à proposer de nos jours.
Nouveaux modes d’administration
Si les mélanges administrés ont beaucoup évolué, les modalités d’administration ont elles aussi connu un certain nombre d’avancées. Le mode Patient Controlled Epidural Analgesia (PCEA) développé à partir des années 1990 a permis de donner à la patiente un rôle actif dans la gestion de la douleur du travail en lui autorisant des auto-administrations de mélange analgésique en complément du débit continu offert par la pompe. Cette participation active à la prise en charge de la douleur de l’accouchement est un élément de satisfaction connu chez les parturientes. De plus, ce mode d’administration, permet de diminuer la consommation globale des AL et les reprises douloureuses, et limite le bloc-moteur (6).
Une nouvelle génération de pompe permettant l’administration de bolus automatiquement programmés dans l’espace péridural fait évoluer le concept de la PCEA. Ce mode d’administration optimiserait la diffusion des AL dans l’espace péridural et permettrait ainsi une diminution de la consommation globale d’AL par rapport à la classique pompe PCEA (7). C’est le Programmed Intermittent Epidural Bolus (PIEB).
Parmi les évolutions d’avenir il faut rapporter également le concept développé par une équipe de Singapour qui a mis au point un système d’asservissement de la pompe aux demandes effectuées par la patiente : la pompe analyse les demandes d’analgésie au cours de l’heure écoulée pour adapter à la hausse ou à la baisse les paramètres de la pompe PCEA ou PIEB (8). Cet ajustement automatique est justifié par l’intensification de la douleur au cours du travail entraînant un besoin croissant en analgésiques. Néanmoins le dispositif breveté par cette équipe n’a pas encore été homologué ni développé à grande échelle.
L’analgésie obstétricale continue donc à évoluer dans le but de suivre au plus prêt les avancées de l’obstétrique moderne et les souhaits des patientes. Des solutions injectées optimisées et des modes d’administration plus performants permettront peut-être de trouver la formule idéale pour convenir à un maximum de parturientes (plus de 650 000 par an) en limitant les phénomènes de réapparition douloureux, source d’insatisfaction et d’augmentation de la charge de travail de l’anesthésiste.
(1) Blondel B et al. J Gynecol Obstet Biol Reprod. 2012;41:e1-e15
(2) Lewis G, editor. (2007) The Seventh Report on Confidential Enquiries into Maternal Deaths in the United Kingdom. London : CEMACH
(3) Buyse I et al. Int J Obstet Anesth. 2007;16:22-8
(4) Ohel G et al. Am J Obstet Gynecol. 2006 ;194:600-5
(5) Cochrane Database Syst Rev. 2013 Aug 7;8:CD006794
(6) Van der Vyver M et al. Br J Anaesth 2002;89:459-65
(7) George RB etal. Anesth Analg 2013;116:133-144
(8) Sia AT et al. Anaesthesia. 2013;68:267-75
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