« Le premier conseil qu’on peut donner aux médecins généralistes qui reçoivent un couple confronté à un problème d’infertilité, est surtout de ne pas trop tarder avant d’orienter le couple vers une consultation spécialisée. La question de l’âge de la femme est un élément crucial dans ce type de situation », indique le Pr Jean-Marie Antoine, président de la Société française de gynécologie et du groupe de travail chargé d’élaborer de nouvelles recommandations de pratiques cliniques (RPC) sur l’infertilité. Elles devaient initialement être présentées en janvier lors du congrès Paris santé femmes. À cause de la crise sanitaire, ce congrès aura lieu en mai. C’est donc à ce moment que seront dévoilées ces RPC sur l’infertilité. « Les précédentes recommandations dataient de 2010 et avaient été élaborées selon la méthodologie de la Haute autorité de santé (HAS). Le CNGOF a souhaité les réactualiser, avec une autre méthodologie », précise le Pr Antoine.
Ces nouvelles RPC ont donné lieu à un gros travail, mené depuis plus d’un an sous la coordination de la Pr Blandine Courbière (Hôpital de la Conception, Marseille), avec le Dr Antoine Torre (CHU de Rouen), en charge de la méthodologie. Le conseil scientifique du CNGOF a décidé qu’elles devraient être élaborées à partir de questions Pico : population, intervention, comparison (comparateur), outcome (critère de jugement sur lesquels porte la littérature scientifique).
Au total, une trentaine de questions ont été retenues pour ces RPC. « Cela ne permet bien sûr pas de faire une analyse exhaustive de toute la problématique de l’infertilité, mais nous avons choisi des thèmes permettant d’aboutir à des recommandations très concrètes, et utiles pour la pratique des professionnels. Chaque question a donné lieu à une analyse très poussée de toute la littérature scientifique sur le sujet », précise le Pr Antoine. Ces RPC s’adressent principalement aux gynécologues. « Ce sont eux, en effet, qui, en immense majorité, assurent la prise en charge des problèmes d’infertilité », souligne-t-il.
Des examens plus rapidement
Mais, en amont, des médecins généralistes peuvent aussi être amenés à recevoir en consultation des couples concernés par ce problème. À partir de quand un médecin doit-il intervenir face à une couple qui n’arrive pas à avoir d’enfant ? « Il était classiquement admis qu’il ne fallait commencer à s’inquiéter que si bébé ne survenait pas après deux ans de rapports sexuels réguliers. En réalité, 80 % des grossesses surviennent dans les six premiers mois de désir, aussi, toutes les instances médicales conseillent désormais de consulter dès 1 an de rapports sexuels réguliers, sans contraception. Toutefois, ce conseil est à moduler selon l’âge de la femme et le passé de chacun des membres du couple. Une exploration plus rapide doit être engagée si la femme a plus de 35 ans, ou en cas de problèmes suspectés, chez l’homme ou chez la femme (ex : problème de règles irrégulières ou d’antécédent d’infection génitale) », soulignait déjà le CNGOF.
À ce stade, le Pr Antoine ne veut pas dévoiler trop d’éléments de ces nouvelles RPC qui seront présentées en mai. « Le message qu’on peut faire passer au généraliste est qu’il peut tout à fait lancer les premiers examens du bilan initial, pour essayer de mieux cerner l’origine du problème. Il est important de rappeler que ce bilan doit comprendre des examens concernant la femme mais aussi l’homme. L’infertilité est un problème qui concerne un couple, et pas seulement un membre du couple. Cela n’est pas toujours facile à faire comprendre à certains messieurs. Je vois encore des hommes qui, en consultation, disent : ‘Faites les examens nécessaires pour ma femme et, ensuite, on verra…’ Mais ce n’est pas ainsi qu’il faut procéder », confirme le Pr Antoine.
Ce dernier insiste sur le facteur temps, crucial dans ce type de prise en charge. « Le médecin généraliste peut gérer les premiers examens, mais il doit surtout adresser assez vite à un gynécologue un couple ayant un problème d’infertilité. On voit de nombreux couples qui se plaignent d’un certain retard dans l’orientation vers une structure spécialisée ». Le Pr Antoine évoque enfin l’importance de ces RPC au niveau médico-légal. « Si un désaccord survient avec un couple mécontent de sa prise en charge, la première chose que se demanderont les experts, c’est si le médecin a suivi ou non les recommandations professionnelles ».
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