Une victoire pour les sages-femmes, une douche froide pour les obstétriciens ? L’Ordre des sages-femmes s’est en tout cas ouvertement félicité ce mercredi du nouveau décret censé permettre de généraliser la pratique d’IVG instrumentales par les sages-femmes en établissement de santé (une réécriture du texte précédent de décembre 2023, jugé beaucoup trop strict). « Un décret complètement remanié, enfin à la hauteur des enjeux ! », salue l’Ordre des sages-femmes.
Sage-femme est une profession médicale, il ne faut jamais l'oublier »
Frédéric Valletoux
Sur France Inter, le ministre délégué chargé de la santé Frédéric Valletoux s’est lui aussi félicité de ce décret permettant de « faire confiance à des professionnels de santé qui ne sont pas forcément des médecins, même si sage-femme est une profession médicale, il ne faut jamais l'oublier ».
Alors que la loi a permis depuis 2022 aux sages-femmes de pratiquer des IVG chirurgicales, le premier décret avait alourdi la procédure au point de la rendre peu applicable. « C'était quasiment plus compliqué avant qu'après pour les sages-femmes ! », considère le ministre. D’où la volonté de l’exécutif de simplifier les conditions de réalisation des IVG instrumentales par les sages-femmes en établissement, à la faveur d’un nouveau texte.
La réécriture s’est faite pendant des mois en concertation avec les représentants des sages-femmes. Le nœud du problème provenait du fait que ces dernières devaient être entourées d’un nombre minimum de médecins spécialistes pour être autorisées à pratiquer ces IVG instrumentales (gynécologue-obstétricien, anesthésiste et praticien compétent en matière d’IVG par méthode instrumentale). Une contrainte peu compatible avec la pénurie médicale…
« Alors que l’objectif était d’avoir davantage d’effecteurs en proximité, la première version du décret permettait de ne renforcer… que les équipes déjà présentes en nombre, explique Caroline Combot, présidente de l’Organisation nationale syndicale des sages-femmes (ONSSF). Or, nous souhaitions un renfort dans les petites maternités et les centres de santé qui travaillent souvent avec des vacataires. Il n’y a pas autant de restrictions pour certains généralistes qui font des IVG instrumentales seuls, pourtant moins aguerris que les sages-femmes… »
Ce texte déroge à toutes les règles de sécurité de la chirurgie
Pascale Le Pors, vice-présidente du Syngof
Très remontée, Pascale Le Pors, vice-présidente du Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France (Syngof), craint déjà des dérives et des risques pour la sécurité des soins. « Ce texte déroge à toutes les règles de sécurité de la chirurgie. Il est centré sur l’intérêt des sages-femmes et pas des patientes. Si une femme saigne à flot et qu’il n’y a pas d’anesthésiste à proximité, comment fait-on ? » Un des arguments des sages-femmes est que la plupart des centres qui autorisent les IVG instrumentales sont liés par des conventions à des maternités où les femmes sont transférées en cas de complications.
Pour le gouvernement, l’objectif de ce texte est aussi de pallier la pénurie médicale et de faciliter l’accès à l’IVG partout sur le territoire. Et sur le plan de la sécurité, le décret paru ce jour définit de nouvelles conditions de formation des professionnels et des modalités d’organisation plus simples, s’appuyant sur le cadre général des autorisations des établissements habilités à pratiquer des IVG. « Les modalités de prise en charge ainsi que la procédure en cas de complications seront désormais identiques quel que soit le professionnel réalisant l’acte d’IVG instrumentale, reconnaissant par là même pleinement le rôle et l’expertise des sages-femmes », insiste le ministère de la Santé.
Un médecin au-dessus de l’épaule ?
Pour Frédéric Valletoux, la délégation ainsi formalisée garantira une prise en charge sécurisée. « À partir du moment où une sage-femme pratique cet acte dans un établissement autorisé à le faire, il n'y a pas besoin d'avoir à côté d'elle un médecin qui, au-dessus de son épaule, vérifierait ce qu'elle ferait », a-t-il avancé sur France Inter. Un propos jugé « ridicule et caricatural » par Pascale Le Pors (Syngof), qui défend un encadrement médical indispensable. « Il faut bien un obstétricien de garde et je ne vois pas en quoi cela nuit à la sécurité. Il ne peut pas y avoir des sages-femmes seules sur les plateaux techniques. »
La satisfaction a en tout cas gagné les promoteurs de l’extension des compétences des sages-femmes pour faciliter l’accès à l’IVG, dont l’ancienne ministre de François Hollande et sénatrice Laurence Rossignol, qui a réagi favorablement sur X (anciennement Twitter).
Le nombre d’IVG instrumentales en hausse
En 2022, 232 000 avortements ont été pratiqués en France contre 216 000 en 2021, selon une étude de la Drees. Les interruptions volontaires de grossesse (IVG) instrumentales représentent 22 % des IVG en 2022 contre 38 % pour les IVG médicamenteuses. En 2022, 38 % des IVG étaient réalisées en ville par méthode médicamenteuse, 40 % à l’hôpital par méthode médicamenteuse et 22 % par méthode chirurgicale.
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