Les 1 000 premiers jours débutent de l’âge de la conception jusqu’aux deux ans de l’enfant. « C’est une période de grande vulnérabilité du fœtus et du nourrisson à son environnement, durant laquelle les marques épigénétiques se mettent en place : elles vont persister toute la vie durant et jouer un rôle positif (bonne santé) ou plus mitigé, avec un risque accru de survenue de troubles du neurodéveloppement, de maladies allergiques et/ou inflammatoires, d’obésité, de diabète de type 2, de maladies cardiovasculaires, de cancers hormonosensibles et de pathologies neurodégénératives à l’âge adulte », détaillent le Pr Laurent Storme (pédiatre et coordonnateur de la clinique de médecine néonatale de l’hôpital Jeanne de Flandre [FHU], Lille) avec Sylvie Deghilage, sage-femme coordonnatrice du FHU et Clara Bardel, ingénieure nutrition, cheffe de projet « 1 000 jours pour la santé : prendre soin avant de soigner » au FHU (1). Pour ces spécialistes, étant donné qu’avec des gestes simples du quotidien, il est possible de diminuer la survenue de certaines maladies à l’âge adulte, l’information positive doit primer.
Encourager les interactions parents - enfant
Les facteurs environnementaux les plus importants concernent les façons dont le bébé et ses parents interagissent entre eux (interactions précoces), les pratiques éducatives, le développement du langage, le jeu, car ils conditionnent le comportement de l’enfant et sa santé mentale.
Des liens d’attachement précoce parents-enfant insécures favorisent l’obésité et le diabète de type 2 plus tard dans la vie. L’exposition trop importante aux écrans (des parents et/ou des nourrissons), le manque de sommeil, etc., y contribuent. C’est pourquoi il faut encourager les parents à interagir avec leur bébé en lui parlant, lui permettant ainsi de connaître plus de mots à l’âge de deux ans : cette avance de vocabulaire va persister toute sa vie durant et jouer sur sa trajectoire de vie. À l’âge préverbal, déjà, un nourrisson apprend à reconnaître les objets, les visages, etc., par des mots. Donc, lui parler l’aide à prendre conscience de son environnement et à se développer. C’est un message utile à passer car certains parents pensent que parler à un tout-petit est inutile pendant la période préverbale puisque lui-même ne parle pas…
Favoriser les apports en nutriments
Lorsque la future mère consomme du poisson deux fois par semaine (pour les apports en oméga 3 et en iode), l’enfant a moins de risque allergique, un meilleur développement cognitif et une meilleure vision. Parmi les oméga 3, les DHA-EPA, indispensables au fœtus, sont absents des végétaux. Pour les végétariennes qui consomment des produits issus des animaux, seuls les œufs labellisés « bleu blanc cœur » (issus de poules nourries aux graines de lin) en apportent, mais en petites quantités.
Les volailles et les viandes, voire les légumineuses (en présence de vitamine C apportée par un jus de citron par exemple) sont garantes d’un apport en fer.
La vitamine B9 devrait être donnée à raison de 400 µg/jour avant même la conception jusqu’à deux mois de grossesse. Mais en pratique, seulement 29 % des femmes concernées en reçoivent.
Les apports en vitamine D sont à surveiller pendant la grossesse pour éviter un déficit qui accroît le risque de prématurité, de prééclampsie, de retard de croissance, de troubles du neurodéveloppement [lire aussi p. 24].
Mieux repérer les toxiques
L’appli Yuka pour smartphone permet de repérer les aliments et cosmétiques qui contiennent des perturbateurs endocriniens et des toxiques. Une astuce : les habits maintes fois lavés contiennent moins de phtalates que les habits neufs et les meubles d’occasion ont déjà relargué les toxiques des colles. Si la chambre de l’enfant doit être repeinte (pas par la femme enceinte), autant choisir des peintures ayant un écolabel. Bien aérer tous les jours en dehors des heures de fort trafic. Cuisiner soi-même, manger varié, laver les fruits et les légumes, éviter les édulcorants et les emballages en plastique du commerce.
Promouvoir l’hygiène de vie
D’autres messages sont à faire passer pour proposer une aide éventuelle à celles qui le souhaitent, mais sans les culpabiliser si elles l’ont fait sans savoir. Fumer du cannabis pendant la grossesse peut provoquer un syndrome de sevrage à la naissance. La cigarette augmente les risques de mort subite du nourrisson et de maladie respiratoire (le père est d’ailleurs aussi incité à arrêter de fumer). La cocaïne entraîne des lésions cérébrales. Enfin, pendant la grossesse, c’est zéro alcool.
À l’inverse, l’activité physique a tout bon pour prévenir le diabète gestationnel, les césariennes, la dépression du post-partum. De plus, les enfants dont les mères sont restées actives ont un meilleur développement du langage, de meilleurs résultats scolaires à 8 ans car le placenta des femmes enceintes actives sécrète plus de BDNF (brain-derived neurotrophic factor), qui favorise la croissance de l’hippocampe (acteur clé de la mémoire).
Les bébés allaités ont moins de risque de développer plus tard des allergies, moins de risque de faire précocement une infection et ont un meilleur développement psychomoteur, ce qui a été démontré à l’âge de 6, 20 et 67 ans. Pour bien faire, la diversification alimentaire du nourrisson doit débuter dès 4 mois, y compris avec des aliments réputés allergisants, justement pour diminuer le risque allergique.
Exergue : « L’avance de vocabulaire d’un enfant va persister toute sa vie durant et jouer sur sa trajectoire de vie »
Entretien avec le Pr Laurent Storme (Lille), Sylvie Deghilage (sage femme, Lille) et Clara Bardel (ingénieure, Lille) (1) 1000jourspourlasante.fr
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