Alors que le Parlement français examine l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution – le texte étant soumis au vote du Sénat le 28 février – , la loi sur l’avortement en Italie peine à être appliquée en raison de l’augmentation du nombre de gynécologues objecteurs de conscience.
Alors qu’environ deux tiers des gynécologues italiens refusent de pratiquer des IVG en se retranchant derrière la notion d’objection de conscience, une pétition lancée en novembre dernier par 14 associations pro-vie et l’extrême droite actuellement au pouvoir, propose de modifier la loi sur l’avortement adoptée en 1978. L’objectif de ce document, qui a été déposé auprès de la cour de Cassation après avoir recueilli quelque 106 000 signatures pour demander la tenue d’un référendum, est d’obliger les gynécologues à montrer à la patiente le fœtus et de lui faire écouter les battements de son cœur. Mais si cette proposition a peu de chances d’aboutir, il n’en reste pas moins qu’avorter de l’autre côté des Alpes, ressemble de plus en plus à un véritable parcours du combattant.
Selon un rapport transmis l’an dernier par le ministère de la Santé au parlement italien, 63,4 % des gynécologues, 40,5 % des anesthésistes et 32,8 % des infirmiers se déclarent objecteurs de conscience. Dans certaines régions comme la province autonome de Bolzano (nord) mais aussi les Abruzzes et le Molise (centre), le taux de soignants qui refusent de pratiquer les IVG dépasse désormais la barre des 80 %. Dans le sud du pays, à Cosenza en Calabre où tous les gynécologues se proclament objecteurs de conscience, l’avortement est pratiqué deux fois par semaine grâce à l’arrivée en milieu hospitalier de médecins intérimaires.
Carrière et réputation, des raisons non avouables
Un autre rapport rédigé par l’association Luca Coscioni, qui se bat notamment pour la liberté de choix sur la fin de vie et la pleine application de la loi sur l’avortement, enfonce le clou. Selon ce document, le taux de soignants objecteurs de conscience dans 72 hôpitaux disséminés sur l’ensemble du territoire, oscille entre 80 et 100 %. Autres données inquiétantes : cette proportion atteint les 100 % dans 40 autres hôpitaux, quatre plannings familiaux et plus de 80 % des soignants refusent de pratiquer les IVG dans 46 autres établissements de santé. Pour le Dr Michele Mariano, un gynécologue qui a dû repousser son départ en retraite à plusieurs reprises faute de successeur, le « taux explosif de médecins objecteurs de conscience s’explique d’abord par le poids de l’Église et la présence du Vatican qu’il ne faut pas sous-estimer mais aussi, par le fait que les gynécologues qui pratiquent les avortements font difficilement carrière ».
À cette crainte, s’ajoute le problème de la « mauvaise réputation des gynécologues pro-avortement souvent stigmatisés par leurs confrères », estime pour sa part la Dr Marina Toschi, gynécologue de l’AIED, l’association italienne des plannings familiaux. Preuve du climat culturel inquiétant qui règne désormais en Italie, la résiliation de la convention entre l’AIED et l’hôpital d’Ascoli Piceno dans la région des Marches le 31 janvier 2023 et qui permettait aux Italiennes depuis 42 ans d’y avoir recours à l’avortement.
Au problème des directions hospitalières qui refusent d’appliquer la loi s’ajoute le manque de formation professionnelle, note l’AIED. « Les méthodes contraceptives et l’IVG font partie des sujets tabou dans la plupart des universités italiennes notamment catholiques, relève la Dr Toschi. Et la pilule RU486 est introuvable dans les structures de plusieurs régions tout simplement parce que les soignants n’ont pas été formés. » Selon les données officielles, le nombre d’avortements diminue d’année en année, mais plusieurs praticiens craignent que cela ne cache une augmentation du nombre d’avortements clandestins dans les régions où le recours à l’IVG est devenu quasi impossible pour les Italiennes.
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