La stérilisation tubaire, réalisée le plus souvent par ligature des trompes, est légale depuis la loi Aubry du 4 juillet 2001. Mais certaines patientes peinent à trouver des médecins acceptant de pratiquer l’acte. Pourtant, pour les personnes majeures, « la loi ne prévoit pas de condition d’âge, de nombre d’enfants ou de statut marital ». Selon l'enquête Fecond de 2012 (Inserm/Ined), seulement 3,9 % des Françaises y ont eu recours, contre 19 % aux États-Unis, autour de 8 % en Allemagne, Angleterre et Belgique.
Déficit d’information, parcours martelé de refus, remarques paternalistes… « Combien compte-t-on de parcours abandonnés, de grossesses non désirées, de contraceptions inadaptées, d’IVG parfois traumatisantes, d’accouchements sous X ou d’enfants gardés, mais non désirés, parce que la loi peine à être appliquée ? », interpelle Laurène Levy, journaliste santé, dans son essai « Mes trompes, mon choix ! »*.
Des patientes en errance médicale
Comme pour l’IVG, une clause de conscience permet à tout professionnel de santé de refuser de pratiquer la stérilisation s'il la juge contraire à ses convictions personnelles. Mais dans ce cas, il doit informer ses patientes dès le premier rendez-vous et les rediriger « sans délai » vers un confrère ou une consœur.
« C'est peut-être là qu'il y a actuellement une difficulté et une amélioration à obtenir, reconnaît le Pr Pierre Collinet, secrétaire général pour la chirurgie gynécologique au Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Parfois, l’adressage vers un autre médecin n’est pas fait et les patientes se retrouvent en errance médicale. » Pour pallier ce manque, des patientes s’échangent, sur les réseaux sociaux, des listes de médecins réalisant la stérilisation « sans assaillir de questions ».
Un paternalisme médical persistant
Les obstacles viennent aussi de remarques malvenues, parfois humiliantes, de la part de certains professionnels de santé. Les jeunes femmes nullipares, en particulier, réveillent une série de peurs : leur projet de non-maternité s’oppose à un imaginaire sexiste et paternaliste encore très prégnant.
C’est à cet imaginaire qu’a été confrontée Laetitia, 32 ans. La jeune femme n’a jamais voulu enfanter. Il y a sept ans, elle décide d’entamer un parcours de stérilisation, mais voit sa demande refusée. « Ma gynécologue m’a dit qu’elle me ferait stériliser quand elle m’aura d’abord fait avorter trois fois », raconte-t-elle. Une seconde gynécologue semble plus à l’écoute, mais ne souhaite pas porter la coresponsabilité d’un éventuel regret.
Des freins psychologiques
Le fait qu’une stérilisation revient à interrompre la fonction d'un organe qui fonctionne parfaitement est un facteur pouvant expliquer la frilosité de certains médecins. L’opération peut sembler aller à l'encontre de ce que les médecins pratiquent au quotidien. Pour Laurène Levy, cela peut représenter « un frein psychologique ».
Rosa, 38 ans, « trop étourdie pour prendre la pilule » et longtemps anxieuse à l’idée de tomber enceinte, commence à se renseigner sur la stérilisation contraceptive à l'âge de 25 ans. Manque de chance, elle tombe sur une gynécologue « très favorable à la procréation », qui lui fait « la morale ». « Elle m’a parlé des couples qui ne pouvaient pas avoir d’enfants, que moi je pouvais en avoir, que personne n’accepterait de me stériliser », rapporte-t-elle.
Pour Laurène Levy, ces remarques entravent l'accès à la stérilisation. « Quand on va chez un médecin, on s'attend à être écoutée. Pas à recevoir des jugements », dit-elle.
Un déficit d’information
Pendant ce temps, la stérilisation masculine a le vent en poupe. Très rare en 2010, avec environ 2 000 opérations, la vasectomie connaît un essor considérable, dépassant ces dernières années le nombre de ligatures (23 000 en 2021).
Moins invasive et coûteuse que la stérilisation féminine, elle a la faveur de certains médecins qui, pour les couples hétérosexuels, encouragent la stérilisation de l'homme plutôt que de la femme. Pour Laurène Levy, il s’agit à la fois d’une bonne et d’une mauvaise nouvelle : « D’un côté, on a enfin une prise en charge de la contraception par les hommes. De l’autre, certaines vasectomies sont envisagées par dépit. Quand ça fait longtemps que les femmes essayent d'obtenir une stérilisation, elles finissent par lâcher l'affaire. »
L’information sur la stérilisation peine encore à circuler. À titre d’exemple, le CNGOF ne mentionne pas la stérilisation volontaire dans sa liste des méthodes de contraception - contrairement à l’Assurance-maladie.
Mes trompes, mon choix !, Laurène Levy, éditions Le passager clandestin, 2023
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