Cosmétiques, emballages alimentaires, processus de transformation alimentaires… Les phtalates sont omniprésents dans notre vie quotidienne, et leurs effets nocifs sur la santé humaine sont de plus en plus documentés (trouble du neurodéveloppement et perturbation de la maturité sexuelle masculine par exemple). Selon une méta-analyse menée par des chercheurs des instituts nationaux américains de la santé et publiée dans le « JAMA Pediatrics », un niveau élevé d'exposition des femmes enceintes aux phtalates serait également associé à un surrisque significatif de prématurité. Il s'agit de la plus grande méta-analyse jamais réalisée sur ce sujet.
Les chercheurs ont utilisé les données de 16 études, réalisées aux États-Unis, portant sur l’exposition des femmes avant la conception de leur enfant et/ou au cours de leur grossesse. Dans ces études, 11 phtalates ont été recherchés chez un total de 6 045 participantes. Dans chacune d'elles, les patientes ont été réparties en quartiles, caractérisés par la quantité de phtalates retrouvée dans les urines.
Quatre phtalates sur le banc des accusés
Les auteurs ont constaté une association significative entre risque d'accouchement prématuré et exposition à quatre types de phtalates en particulier : le monobutyl phtalate, le mono-isobutyl phtalate (utilisé comme plastifiant dans les vernis à ongles), le mono(2-éthyl-5-carboxypentyl) phtalate, et le mono(3-carboxypropyl) phtalate.
Les femmes appartenant aux groupes les plus exposés à chacun de ces quatre phtalates avaient un surrisque d'accouchement prématuré (défini par une gestation inférieure à 37 semaines) allant de 12 à 16 % selon le type de phtalate considéré. Ces produits chimiques contribueraient donc à 90 naissances prématurées pour 1 000 naissances vivantes dans la population étudiée. Un taux très élevé quand on songe que le taux de prématurité aux États-Unis est de l'ordre de 10 %.
Cette étude s'ajoute à de nombreuses autres qui documentent les effets nocifs des phtalates sur la santé des femmes en âge de procréer. Et pourtant, les femmes sont largement exposées aux phtalates. Dans l'étude des chercheurs des NIH, plus de 96 % des échantillons urinaires en contenaient.
Le fait de réduire l'exposition aux phtalates de manière que leur concentration urinaire diminue de 10, 30 ou 50 % permettrait de réduire le nombre de naissance prématurée de respectivement 1,8 ; 5,9 et 11,1 pour 1000 naissances vivantes. Mais ce ne sera pas chose facile : s'ils savent que « les principales sources d'exposition de la femme enceinte résident dans la nourriture et la prise de médicaments », les auteurs estiment qu'il « existe de nombreuses incertitudes » et que « l'exposition dépend aussi de nombreux facteurs sociologiques ».
Une seule solution : la réglementation
Ils émettent aussi des doutes sur la capacité à agir sur les comportements, dans la mesure où les phtalates sont présents dans une trop grande variété de produits pour parvenir à correctement cibler les changements d'habitude. Les chercheurs misent donc davantage sur des actions réglementaires des pouvoirs publics, comme obliger les industriels à préciser la composition de leurs produits d'hygiène et cosmétiques. « Par le passé, des actions publiques sont parvenues à réduire la présence de phtalates dans les jouets pour enfants », rappellent-ils.
« La voix de signalisation qui relie l'exposition aux phtalates à la prématurité n'est pas claire, mais il existe quelques pistes, poursuivent les auteurs : le stress oxydatif et l'inflammation de l'interface maternofœtale en font partie. D'autres mécanismes tels que la perturbation hormonale et la réduction de la traduction de certains gènes s'exprimant dans le placenta peuvent aussi être responsables. »
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